Enfant, il tendait ses bras en avant et formait un rectangle de ses doigts, joignant les pouces et les index. Il emprisonnait ainsi les images qu’il aimait, paysages, visages... souvenirs de sa vie et de son monde, précieux bien au delà des mots.
Il savait déjà que la photo serait sa vie.
Il se souvenait avec émotion et nostalgie de son premier appareil, un 6x9 gros trou, payé avec les économies de deux années d’argent de poche, sa fierté, une merveille de sacrifices.
Puis, il s’est battu pour être le meilleur, sur tous les fronts, dans le froid, sous la pluie, sous le soleil brûlant.
Qu’importe !
Etre là, pour informer, pour dénoncer, pour que le monde sache, être là tout simplement.
Aujourd’hui, il court au milieu d’hommes armés. Il slalome entre les voitures, évitant les balles, son téléobjectif blanc pour seul bouclier. Il mitraille le décor, fixe les combattants... Informer, crier au monde la vérité, dire l’indicible !
Il n’a pas le temps d’avoir peur, pas le temps de douter ni de penser, pas le tem....
Son appareil roule sur le sol, blanc lumière, maculé de longues lignes rouge sang...