Je sors souvent la nuit, lorsque crie le hibou,
Sous la lune sans bruit, je marche à pas de loup.
Au fond de mon jardin, dans un endroit secret,
A l’abri des regards des voisins indiscrets,
J’ai ouvert de grands trous afin d’y entasser,
Tous les mots douloureux à ne plus prononcer.
J’ai creusé le premier, lorsque j’étais gamin,
Ma mère n’était plus là pour me donner la main,
Tout seul en revenant de son enterrement,
Sans pleurer, doucement, au fond j’ai mis « maman »
A côté j’ai posé « innocence » et « jouer »
Dessus j’ai mis trois lys par un ruban noués.
Plus tard je fus soldat, à défaut de victoires,
D’un destin somptueux j’ambitionnais la gloire.
J’ai donc enseveli « pardon », « excusez moi »
Et puis « merci » aussi, qui signaient mes émois
Je les ai recouverts d’un tapis d’ancolies,
Laissant ces maux couverts avec mélancolie.
Mes enfants ont grandi, dans leur chair ont souffert,
Ce n’était pas leur tour et je n’ai rien su faire,
Dans un trou j’ai mis « Dieu », et les bondieuseries,
Les « Ave » les « Pater », toutes ces conneries,
Et puis j’y ai semé des graines de pavots,
Pour survivre drogué comme tous les dévots ....
Hier j’en ai creusé un nouveau près d’un arbre,
Peut être le dernier, sous une dalle en marbre
Au fond j’ai balancé « amour », « chérie », « je t’aime »,
Dessus je poserai un pot de chrysanthèmes.
J’ai gardé ton prénom tout au fond de mon cœur
Il sera avec "moi" dans l’ultime demeure.