Mornes comme la pluie, comme une vieille antienne,
Ils sont venus danser sur nos amours anciennes,
Ils sont venus trop tôt, et nous, partis trop tard,
Pauvres gens rescapés des sentiers du hasard.
Fermons les yeux et les persiennes
Je garde ta main dans la mienne
Ils sont tristement gais avec un air hagard,
Ils ont l’air de hérons perchés sur un brouillard,
On les entends chanter des mélopées funèbres,
Sous des néons blafards pires que des ténèbres.
Fredonnons des chansons anciennes
Et laisse ta main dans la mienne.
Ils font un bruit d’enfer sur les immensités,
Sur les monts, dans les champs, sur les plages d’été.
Ils sont amorphes mais, avec l’air dynamique,
Ils mangent des poisons classés biologiques.
Souviens-toi de Rome, de Sienne,
Je garde ta main dans la mienne.
Ils sont creux, suffisants, boursoufflés, beaux parleurs,
Ils gouvernent la vie sans y mettre de cœur.
Ils ont sur presque tout des idées théoriques,
Ils nous saoulent de mots, sans la moindre musique.
Fredonne une valse de Vienne,
Je pose ma main sur la tienne.
Et pour finir enfin, cette époque démente
Nous a recomposé des valeurs aguichantes :
La Bourse, la monnaie et la planche à billets.
Et l’Art, le malheureux, on l’a déshabillé !
On lui a appliqué la clause économique,
La clause du plus nul et du démagogique,
La régle du plus bas et du plus roturier,
Du vulgaire, du sot, du laid et du grossier...
Il n’est plus rien qui me retienne
Si ce n’est ta main dans la mienne.