Elle était là, blanche, vêtue d’une légère chemise grisâtre qui laissait entrevoir une de ses épaules.
Son joli visage se tordait sur un cou qui semblait ne rien tenir ; le décor était glauque, une lumière triste se faufilait entre les lames des stores de bois clair ; une lourde odeur médicamenteuse habitait sa chambre.
Une dizaine de personnes blanches, vertes et roses la regardaient ; leurs airs dépités et condescendants me faisaient peur ; ces visages disaient : « oh ! Quelle tristesse ! Quel malheur ! »
Des tuyaux semblant venir de nulle part, pendaient tout autour de son lit ; ceux pour l’aider à respirer, ceux pour la nourrir, ceux pour soulager ses douleurs, ceux pour faire peur ; tous les appareils, les monitorings clignotaient, sonnaient, vibraient, dessinaient des courbes indéchiffrables et effrayantes.
Les personnes blanches prenaient des notes, les vertes enlevaient des tuyaux pour mieux en rajouter d’autres et les roses s’affairaient autour de la table et du fauteuil. Une fourmilière s’activait à pas feutrés et à mi-mots.
Mais elle était là, seule dans son monde de silence, les yeux fixés devant elle, ses mains agrippées au drap, un sourire qui se dessinait parfois au son d’une voix, aux paroles murmurées à son oreille, au souffle d’un baiser sur sa joue.
Que vivait-elle dans ce sommeil qui n’en était pas un, dans ces rêves qui ne lui donnaient plus d’espoir ? Voyait-elle sa vie défiler au fil du temps qui la rattrapait et la happait vers un ailleurs inconnu ? Entendait-elle la douceur de mes mots qui lui disaient « je t’aime » ? Sentait-elle, voyait-elle que j’étais là, près d’elle dans cette fusion emplie de calme des derniers instants ?
Elle était là, son beau visage ridé par son vieil âge, attendant sans doute le moment propice pour partir en douceur et sans cri, sans souffrance et sans larme.
Elle était là il y a cinq minutes… elle n’est plus. Les blouses multicolores sont parties sans bruit ; le soleil ne joue plus entre les lames des stores ; les monitorings sont silencieux ; ses doigts sont accrochés aux miens ; ma main caresse sa joue ; je l’embrasse. Un beau silence prend possession de la chambre.
Nous sommes bien toutes les deux, seules. Une larme coule sur ma joue.