Une lettre, on peut l’écrire juste pour le plaisir de coucher des mots sur un papier blanc ou bleu ou rose, pour soi, avec une envie de l’envoyer, sans le faire…on redoute la réponse ou on sait que l’on n’en aura pas ou alors cette lettre n’appelle aucune réponse ; elle est tout simplement écrite pour soulager des cauchemars, des tristesses, des tonnes d’émotions.
Il y a des missives que l’on écrit d’un trait de plume, sans réfléchir, un soir, comme cela, au coin d’un feu ; des lettres amicales, qui s’écrivent toutes seules, sans fioriture, naturellement, comme si on parlait à son destinataire, comme s’il était en face de soi, avec des phrases simples, dans une langue de tous les jours ; ces mots-là, on les envoie ; on est certain qu’ils seront lus et qu’ils auront une réponse ; on est confiant.
Il y a les lettres que l’on envoie à une administration ; elles sont pensées, souvent en réponse à un fait ou alors elles sont une demande, une requête. Là, ce n’est plus pareil ; on sort son dictionnaire, on fait une mise en page soignée, on pense à la dater, on en fait une photocopie que l’on classe dans un dossier étiqueté ; de nos jours, souvent on l’écrit sur un ordinateur et on la range dans un dossier informatique.
Et puis il y a les lettres d’amour, sur papier rose, parfumé, décoré de cœurs, de fleurs séchées et de mille soleils ; on s’installe confortablement ; on en écrit dix que l’on déchire puis que l’on chiffonne pour les jeter dans une corbeille à papiers ; et quand enfin, des étoiles plein les yeux, on rédige LA lettre d’amour définitive, celle qui exprime tout ce que l’on ressent, on la relit dix fois, le cœur battant, on la plie consciencieusement en la baisant des yeux, on la glisse délicatement dans une enveloppe assortie au papier, on inscrit l’adresse du destinataire avec fébrilité et on court la déposer dans une boîte à lettres en enfonçant ses doigts dans la fente afin de s’assurer qu’elle est bien tombée dans le fond. Et on revient chez soi d’un pas léger et on ne pense qu’à une chose : pourvu que ce mot d’amour ne se perde pas ; pourvu qu’il n’y ait pas, justement aujourd’hui ou demain, une grève générale qui ferait que cette lettre n’arriverait jamais.
Et tous les jours, on guettera le facteur qui apportera la réponse enflammée à cette lettre d’amour.