James en un bond a rejoint Madame Peel qui s’épile. Il la contemple un instant, juste ce qu’il faut pour entretenir sa libido. Son corps finement galbé à peine dissimulé sous un voile de mousseline affriole l’espion qui m’aimait. Purée ! se dit-il, comme pour s’assurer qu’il ne rêve pas ; puis, sûr de son sex-appeal, il se lance sans filet.
Alors chérie, je vous ai manqué ?
Emma Peel fait volte face, histoire de ne pas la perdre, la mousseline vole et Bond se rince l’œil effrontément. Estomaquée par l’affront du bellâtre, elle s’esclaffe :
Non mais ! Que sont ces familiarités James ! Vous pourriez frapper.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Pan ! Un pain dans la face de Peel. La belle choit, sous l’œil amusé du spectateur bouffi de pop-corn, qui n’en perd pas une miette.
Bond se redresse, un léger sourire lui plisse la commissure des lèvres, il réajuste son nœud-pape, efface les faux plis de sa veste. Il est fier de sa prestation. C’est qu’il l’a répétée le bougre. Le bras semi-tendu, il pointe l’index vers l’écran et d’une voix mâle et suave, il dit
Bond ! Appelez-moi Bond, James Bond !
Musique, générique du début de film, Bond le bras toujours tendu a troqué le doigt contre un pistolet Beretta. Il voit défiler devant lui des lettres et des chiffres, 007 qui le laissent de marbre. Des quatre coins de l’écran surgissent des créatures de rêves, sans qu’il s’en émeuve. Bond a des crampes alors que le spectateur en profite pour se soulager et qu’Emma retrouve ses esprits. Les dernières lettres ont quitté l’écran, notre gros lard est de nouveau devant sa télé et Bond peut enfin baisser le bras. L’histoire reprend ses droits.
Derrière lui, Emma, tel un ressort, s’est redressée dans sa combinaison de cuir noir, enfilée à la sauvette pendant la présentation et qui, soit dit en passant, lui va comme un gant. Une froide détermination se lit sur ses traits crispés, encore marqués du coup de Bond. Ce dernier trop occupé à faire bonne figure n’a rien entendu ; il n’a pas lu le script.
Professionnelle, endurcie, Emma lui assène du tranchant de la main un coup mortel à la base de la nuque et tel un pantin désarticulé, Bond s’affaisse, face contre terre, emportant dans sa chute le vase Ming qui n’aurait jamais dû se trouver là.
Et voilà, mon cher ! Vous l’avez bien cherché.
Emma se frotte les mains, ce qui peut sembler un peu vulgaire, elle attrape une rose qui dépassait insolemment d’un bouquet et la jette négligemment sur la dépouille qui encombre le sol dans une posture quelque peu ridicule, indigne de notre héros, même mort.
Le spectateur consterné avale de travers, renversant sur la moquette le reste de son plateau télé. Les yeux rougis il maudit Emma, son héros à terre le laisse atterré. Et puis, merde ! Le film vient à peine de commencer et au prix où est la redevance, faudrait voir à ne pas déconner.
Bond se relève, se masse un peu la nuque, fait craquer ses vertèbres, remet en place sa veste, l’époussette. Notre spectateur surpris dans ses tâches ménagères, épongeant le coca qui tache, relève la tête, constate et sourit. Mais comment fait-il ? se dit-il alors, émerveillé par la prestation de son héros. Bond, lui répondrait bien, mais il a d’autres chattes à fouetter, le devoir l’appelle. Il fixe Peel de son œil narquois en ajustant ses poignets mousquetaires.
Ah, James, vous exagérez, deux fois, passe encore, mais là vous en êtes à votre troisième résurrection.
Sachez ma chère que mes ardeurs félines m’autorisent bien plus que cela.
James fait évidemment allusion à la légende populaire qui veut que les chats aient plusieurs vies, heureusement qu’il y croit dur comme fer et qu’il n’y a que la foi qui sauve, sinon, le film se serait arrêté là… Mais laissons de côté ces considérations dont notre obscur spectateur n’a cure.
James s’approche d’Emma, la saisit, l’enlace et l’embrasse avec une fougue à faire rougir le voyeur moyen. Le nôtre, qui n’a pas tout compris, car la psychologie des personnages le dépasse un peu, se rassoit mollement au fond de son sofa, captivé par cette scène étrange. Peel se pâme dans les bras de James, sa robe de soirée glisse de ses épaules dénudées, James s’affaire, un bras pour la soutenir, une main pour la dévêtir et l’autre pour se déshabiller, lui. Faites le compte, Bond est vraiment un homme hors du commun. Le spectateur abasourdi, baba, gaga, bave et salit son maillot PSG, (Ne pas boire de coca avant la scène torride).
J’ai passé sous silence pour cause d’absence de paravent, la scène où Emma, pour une raison obscure retire, avec une difficulté feinte, sa moulante combinaison de cuir noir, sur une musique lancinante, se met à danser nue sans raison apparente, prend des poses équivoques et finalement enfile cette superbe robe de soirée en soie rouge moirée d’or. (Et je ne vous parlerai pas du prix)
Mais nous sommes dans un film d’action et Bond pense déjà à la suite du scénario qu’il s’est hâté de lire entre temps. Les bonnes choses ont une fin. Il jette, sur le lit, l’objet du délit, Emma, sans ménagement. Pédagogue, il explique brièvement au spectateur :
Que voulez-vous, Emma m’attire et je la tire, face contre face, Peel contre poil… Mais je dois sauver le monde… Discrètement je me tire… Mais je reviendrai !
En coulisse, Schwarzy lui fait signe que cette réplique est à lui, ce qui reste à vérifier, et qu’il y a des droits d’auteur.
Bond quitte prestement la pièce, pensant : « Tu peux toujours courir ».
Peel réveillée pleure toutes les larmes de son corps, laissant couler son mascara sous le regard affligé des maquilleuses. La scène s’éternise au grand dam du spectateur, qui rageusement zappe et retrouve avec délice une publicité fromagère… quel caprice.
Moralité… Vous regardez trop la télé et vous mélangez tout.