Ils le secouèrent sans ménagement ; avec brutalité même :
« Réveille-toi ! Debout ! »
Comme il tardait à émerger de son sommeil, de sa torpeur embrumée des veilles arrosées, il sentit un choc sourd contre l’une de ses côtes ; le type avait bon pied qui l’empoignait au cou et le levait.
« Mais qui êtes-vous ? …Que voulez-vous ? »
« La ferme ! »
« Mais… »
L’homme ne répondit pas, mais sa main en avant et son regard surtout imposèrent que le bonhomme se taise.
« Tu es bien Funeste, né en l’an 58 dans la contrée du Sud de l’Etat France des Etats Unis d’Europe du signe verseau ascendant gémeau de Marie Auguste et de Charles Galante ? »
« Mais… »
« Réponds ! »
« Oui…C’est à dire, j’ai changé de nom parce que… » chuchota l’homme.
« Dis-lui ses droits ! »
« Mes droits ? Alors vous êtes là pour … » esquissa t-il.
« Alors silence ! Tu viens avec nous ! Prends tes affaires ! » le cloua l’autre.
Complètement réveillé maintenant, se massant les côtes, le bonhomme interloqué les regardait l’un et l’autre. L’homme au pied redoutable était assez grand, avec une barbe bien taillée et des tempes grises. Quant à la femme qui l’accompagnait et qui ânonnait ses droits, il aurait pu dire qu’elle était quelconque, moyenne de taille, un visage luisant de sébum, des cheveux blond filasse ; elle lui aurait paru insignifiante voire vulgaire dans d’autres circonstances, si ça n’était qu’elle portait, comme son compagnon, un blouson noir avec les lettres BAC inscrites en jaune dans son dos. Oui, insignifiante, si ça n’était qu’il était 7h00 du matin, qu’il se demandait comment ils étaient entrés, qu’il se demandait ce qu’ils lui voulaient ; si ça n’était qu’il était presque nu à part un boxer qui avait laissé poindre une faible érection comme tous les matins mais qu’il savait éphémère comme tous les matins… ; insignifiants cette femme luisante et ce dur botté, si ça n’était qu’il tremblait comme une feuille, qu’il suait âcre, que sa couche au sol bougeait, que la pièce qu’il appelait pompeusement chambre, encombrée des vêtements épars et sales, des canettes vides, des cendriers pleins…si ça n’était que cette pièce mal odorante se mit à tournoyer, à tourner plus vite encore et qu’il sombra.
Oui, tout put être un matin normal, à part ça…
Maintenant il portait une chemise et un jean et des baskets, mais pas de chaussettes ; maintenant il était dans une grande pièce très éclairée, trop crûment éclairée à son goût. Maintenant il y avait une foule de gens autour de lui et tous le regardaient, sentencieux…
La peur le reprit mais déjà une femme approchait.
« On vous a dit vos droits monsieur Funeste. Les avez-vous compris ? »
« C’est à dire…Quels droits ? »
« Mais vos droits ! Et les chefs d’accusation qui vous valent d’être ici, devant nous ! Mais regardez donc autour de vous ! »
...
Noël
21 novembre 2008