Tu vas mourir.
Cette évidence te heurte comme on s’écrase sur un mur de pierre. Ta vie va s’achever d’une année, d’un mois à l’autre. Tu n’as plus devant toi ce vaste horizon qui s’ouvre devant les yeux de tes enfants, cette vie immense et intense qu’ils commencent seulement à découvrir. Les jours se referment, l’horizon s’éteint et ta nuit tombe. Tu vas mourir.
Tu ne voulais pas y prêter attention, au début, aux signaux de ton corps. Tu es trop jeune. Mais les années s’écoulent lentement et chacune t’apporte son lot de soucis, de douleurs, de visites et finalement, d’opérations. Et tu sens que la force te manque, que ton esprit est enfermé dans une matière qui ne te répond plus.
Tu regardes tes enfants. Ils sont grands, et ils s’éloignent de toi de plus en plus, tu sais pourquoi. C’est ta faute tout ça. Tu t’en rend compte maintenant. Ils te regardent et dans leurs yeux tu vois le reflet d’un homme vieux et fatigué, qui a dans le regard la détresse de ceux qui n’ont pas vécu ce qu’ils voulaient et qui n’ont plus le temps de réparer.
Tu n’as pas de remords, seulement des regrets. Mais il n’est plus temps maintenant d’arranger les choses, tu le voudrais et tu pries d’avoir s’il vous plait encore un mois, un an, juste un peu plus de temps, et tu pries encore et encore pour la première fois de ton existence, tu pries qu’on te pardonne.
Tu vas mourir, et tu sais que tu as raté ta vie.