Un tabouret de bar trône au milieu de la scène. Rien d’autre sur le plancher de chêne clair de cette salle de concert dans un petit coin de campagne. Les chaises peu à peu reçoivent les personnes intéressées par ce petit goût d’exotisme qui leur est proposé pour venir égayer cette fin d’hiver froide et venteuse, et puis aussi les fans, les connaisseurs qui apprécient et suivent ce musicien depuis longtemps.
Ce soir, il sera seul sur scène, ses comparses étant occupés par ailleurs. Mais peu importe car ses solos sont aussi prenant que leurs duos ou trios. Plus que quelques places libres éparpillées au hasard. Les lumières s’atténuent jusqu’à s’éteindre. Seuls les néons des sorties de secours restent comme des guides rassurants.
Toutes oreilles en éveil, les spectateurs guettent les pas de l’artiste. Mais, rien. Soudain, quelques notes et puis, un projecteur dévoile au fur et à mesure de son intensité grandissante, une paire de bottes, un jean bleu clair, des jambes pliées sur lesquelles repose une guitare tenue par des mains agiles.
Le musicien n’est déjà plus là. Il est ailleurs, dans un monde qui n’appartient qu’à lui, se baignant dans les modulations qu’il crée par les différentes positions de ses doigts sur les cordes qu’il pince.
Des sonorités s’échappent de ces cordes, elles ondulent dans l’espace, gémissent leurs peines, se plaignent de leurs douleurs, s’envolent sur un rythme de plus en plus rapide pour atteindre le plafond. Puis, elles redescendent lentement se réchauffent à l’appréciation bienveillante du public, reprennent des forces et repartent joyeusement à l’assaut des derniers accords.
Sous les applaudissements, l’homme assis revient peu à peu à la réalité, sourit, hoche la tête, puis, repart pour une autre destination dans le silence subjugué de ses auditeurs qui ont laissé derrière eux, leur quotidien banal, la notion de temps et se laissent emporter à leur tour par la magie de cet instrument si habilement caressé.