Les bâtiments que je croise, tous, fabriquent de l’ombre et du froid. J’ai eu froid pendant tout cet été où il a fait si chaud. Lorsque je croisais un bol, j’enviais le lait qui s’y love. J’appelais ce bol autour de moi, qu’il me contienne, qu’on le prenne, qu’on nous mette au micro ondes.
Il y a cette sensation de froid, et ce sentiment que les personnes d’avenir ont plein d’arrières pensées à mon endroit. Ils ne me regardent pas, mais me comptabilisent : en moins.
Moi aussi je compte, je compte les gens qui me sourient encore. Il y en a. Je les classe. Ce sont des psys. Psycho-trucs, ou truco-thérapeutes. En mission. Ou bien mes petits enfants, heureusement, pour l’instant. Ma chérie non plus ne sourit plus. Elle ne crie plus. Elle range, en silence. Je me souvient qu’avant on arrivait au cri, au grand désordre, au chaos. Désormais elle range.
Il y a le froid, ces regards qui décomptent, ces sourires professionnels ou disparus, et toute cette rumeur alentour, de plus en plus présente et indistincte. Et derrière cette rumeur j’entends surtout le silence de ces pierres qui me regardent comme on fait quand on s’attend à ce que quelqu’un trébuche, quand on l’attend. Elles attendent.
« La feuille d’automne, emportée par le vent, en ronde monotone, tombe en tourbillonnant ». Avant ça me rendait heureux et triste, maintenant ça ne me fait plus rire.
Ce ne sont que des détails, mais on voit que l’intérieur change, ça ne s’arrêtera plus. La boucle est débouclée.
De plus en plus souvent je prends le train, pour rien. Je me mets en queue de train et je regarde le paysage s’enfuir sous mes pieds, sous mes roues, d’autant plus vite que je regarde près. Il s’enfuit et je m’enfouis. Et si je sautais, tout s’arrêterait ?
Pas le train.
Ca ne s’arrêtera plus.
Quand vous aurez mon âge, disiez vous. Et bien ça y est, je l’ai.