Il faut que je te parle.
Qui a parlé ? Je me retourne, personne, je me lève, ouvre la porte, personne.
Curieux, j’entends des voix.
Il faut que je te parle, tu m’entends ?
Je sursaute, abasourdi, mon chat m’a parlé. Stupidement, je m’adresse à lui.
Tais-toi ! Un chat ne parle pas.
Il rigole. Mon chat rit.
Cela n’a aucun sens ce que tu m’as dit là !
En plus mon chat fait de l’esprit. Décidemment je ferais mieux d’aller me coucher et en vitesse.
Ok, je l’avoue, je ne suis pas un chat. Je suis un extra-terrestre.
Là, c’est le comble.
Tu n’es pas un extra-terrestre ! Les extra-terrestres, ça n’existe pas.
Je suis quoi au juste, alors !
Tu es une hallucination due à un manque de sommeil.
Mais j’ai très bien dormi.
Peut-être, mais moi pas !
Donc tu parles à une hallucination qui a bien dormi. Cela te semble logique ?
Je vais fermer les yeux, compter jusqu’à dix et tu auras disparu.
Quand j’ouvre les yeux, le chat est toujours là occupé à se toiletter, attitude tout à fait normale pour un chat. Je le regarde intensément. Je frappe dans mes mains, il ne bronche pas. Plus fort, il fait un bond en s’écartant de moi. C’est un vrai chat avec des réactions de chat. Mais qu’est-ce qu’il m’arrive ? Pour un peu je regretterais presque qu’il ne parle pas.
Mon mobile se met à vibrer. Il est près de minuit, qui peut bien m’appeler.
Oui ! Qui est à l’appareil ?
C’est moi !
Qui ?
Le chat… Enfin, l’extra-terrestre.
Un coup d’œil au chat, il est roulé en boule et semble dormir.
Je crois que la plaisanterie a assez duré, je raccroche !
Au son de ma voix, le chat s’est réveillé. Il saute sur mon bureau.
T’as eu raison de raccrocher c’est plus facile de communiquer par le biais du chat qu’avec ton téléphone.
Devant mon air abasourdi et quelque peu paniqué, il reprend :
Je te l’ai dit, je suis un extra-terrestre, mais tu ne peux me voir, je suis obligé de communiquer avec toi en empruntant des moyens qui peuvent te sembler étranges.
Comment faites-vous parler le chat ?
Regarde mieux ! Il ne parle pas, je lui fais remuer ses babines mais en réalité je communique par télépathie.
Je me bouche les oreilles. Effectivement le message me parvient avec la même clarté.
Alors tu vois !
Faudrait que je me pince… Subitement le chat me griffe le dessus de la main.
Désolé ! Mais tu voulais une preuve.
Une preuve. Tout ça ne prouve rien. Mon chat m’a griffé et alors, il est caractériel ce chat, ce n’est pas la première fois qu’il me griffe. La réalité c’est que je suis très fatigué et que je commence sérieusement à battre la campagne.
Mais, non ! Tu vas très bien je t’assure.
Autosuggestion, méthode Coué. Est-ce un signe de folie ?
Bon ! Si tu essayais de m’écouter au lieu de ressasser toutes ces idées. De toute manières, si tu es fou, il ne sert à rien d’essayer de te raisonner et si tu ne l’es pas, j’existe et tu dois m’écouter. Donc, quoi que tu penses être, calme-toi.
Cette logique me ressemble bien. Mon esprit a trouvé une parade. Je dois me calmer et tout rentrera dans l’ordre. Je dois me calmer et aller me coucher.
Laisse-moi dix minutes
Pas question de laisser dix minutes à qui ou quoi que ce soit. Je me lève et je vais me coucher. Je ne me lève pas. Je suis scotché à mon siège, les jambes en coton, les mains lourdes posées sur le bureau.
Bon, tu m’écoutes maintenant ?
A dire vrai, je n’ai pas le choix.
J’aurais pu essayer de rentrer en communication avec toi per le biais d’un bipède de ton espèce, mais ce n’est pas chose aisée et puis, je n’en avais pas à ma portée. Un chat c’est pratique. C’est très mobile, docile et la barrière mentale du chat et quasiment inexistante.
J’ai un message pour toi, tu dois m’écouter.
Je t’écoute.
Entendre le son de ma voix me surprend, je me rends compte que jusqu’à présent l’extra-truc lit dans mes pensées. Cette remarque me fait frissonner.
Ne t’en fais pas, je ne peux lire que les pensées qui s’adressent à moi.
Cette précision ne me rassure pas le moins du monde, la frontière entre les pensées que je peux vouloir lui destiner et les autres ne me semble pas très bien matérialisée.
Je suis venu t’annoncer que l’humanité court un grand danger et que toi seul, peux la sauver.
J’en étais sûr. Une catastrophe imminente et j’ai été choisi, moi, insigne terrien sans pouvoir particulier, si ce n’est de faire parler les chats, j’ai été choisi pour sauver la terre. La musique de la guerre des étoiles se met à vrombir dans mes oreilles, mon cœur bat plus fort, je vais être un héro.
L’extra-terrestre se met à rire alors que le chat à plat ventre sur le bureau, le martèle de ses petites pattes de devant.
Ca fait un drôle d’effet un extra qui vous rigole directement dans la tête et ce chat digne du célèbre Tex Avery apporte une touche des plus extravagantes.
Ah ! Vous les terriens ! Ce que vous êtes naïfs, tout de suite à vous prendre pour des surhommes. Sauver la planète ! Pourquoi pas la galaxie.
Mon extra-terrestre est parti et le chat redevient un chat tout à fait classique.
Le professeur a le nez collé contre l’oculus de la porte de la cellule capitonnée, au bruit de mes pas il s’écarte.
Alors professeur ! Comment va-t-il ?
Il vient de se calmer. Il a eu une conversation animée, voire agitée, avec un chat roux. Mais tout est rentré dans l’ordre.
Je le regarde dubitatif. Ce professeur m’inquiète. Il tourne les talons et disparaît par une porte au fond du couloir.
A mon tour je regarde par l’oculus. Il n’y a pas de chat roux, seulement un petit être vert qui marche au plafond. Il me voit et me fait signe.
Il faut vraiment que je surveille le professeur.