Pourquoi suis-je
sur le point d’écrire un Confus repentir ?
Pourquoi suis-je petit – inutile – vous me voyez ?
Pourquoi suis-je nu, englué dans un fol désespoir ?
Pourquoi suis-je celui que ni vos forces ni quelques encensoirs,
Ne sauront plus secourir, vil noyé ?
Pourquoi suis-je en frêle équilibre par lâcheté ?
Pourquoi suis-je devenu au fil des jours décousus,
Ô l’être cossard dont toujours j’ai su
Que la fange noierait la fausseté ?
Pourquoi suis-je sans logis pour cent dettes effroyables ?
Pourquoi suis-je celui qui espérait garder ad vitam…, ses rêves
Des temps surannés, qui fuient sans trêve,
Incrédules au credo pitoyable ?
Pourquoi suis-je celui qui, à foison, suspends l’insensible heure
Pour consigner son doux passé, pour dire
Qu’il est toutes ses tristes joies, pour dire
Qu’il troue son cœur songeant aux sombres heures ?
Pourquoi suis-je celui dont la misère, défiante déjà !, presse
Le regard - sourd - à scruter alentour,
Pour contempler les atours et contours
De ses indigents compagnons de détresse ? :
Pourquoi suis-je celui dont les lit creux, armoire vitrée, chambre pieuse,
Siège et bureau verts, banquette avachie,
Chaises percées, cuisine défraîchie…
Pourquoi suis-je celui pour lequel, ô richesses, vous étiez si précieuses ?
Pourquoi suis-je celui dont les buffet ciselé, marbre et bronzes en treille,
Verres rosés des fringantes amours,
Argenterie clinquante des beaux jours…
Pourquoi suis-je celui qui, ô joyaux, seul appareille ?
Pourquoi suis-je celui dont l’insigne bibliothèque cajolée
Où trônent mil’ sublimes érudits,
Pourquoi suis-je celui qu’ils pensaient - beaux farceurs - faire instruit ?
Pourquoi suis-je celui qui, ô belle ambre, hélas ! dois vous quitter ?
Pourquoi suis-je celui dont le fier télescope, allié des aphélies,
Chasseur des ourses, cygne, aigle, lion
Aux soirs enivrés de constellations…
Pourquoi suis-je celui qui, ô fripon, a les regrets de nos nuits ?
Pourquoi suis-je celui qui vois oh ! combien est navrant son passé
Aéré ? Pourquoi suis-je celui qui, encor’ a à errer seul
Pour fuir noirceur, quolibets et linceul,
Tant chacun veut le voir bien trépassé ?
Pourquoi suis-je celui à qui l’on prédit que le déclin vient bien à qui s’y prend tôt,
Qu’il ne faut guère que héler le Diable,
Doux charmeur des péchés inavouables,
Expert en mœurs funestes ? Pourquoi suis-je celui qui bientôt
Vomira du fiel rose, âcrement
Mêlé au vin lourd empestant sa bouche ?
Pourquoi suis-je celui qui souillera de miasmes vils et louches,
Ses cartons-couches restés indolents ?
Pourquoi suis-je celui qui, devenu crasse, régalera sa vermine ?
Pourquoi suis-je celui d’où écloront un millier d’oxyures, d’helminthes
Grouillants ? Pourquoi suis-je celui d’où suppurera la tripe atteinte,
Où nul humain n’y risquera sa mine ?
Pourquoi suis-je celui sur l’infâme vivier
Duquel on gagera :
« La chose - jamais - ne fut purifiée ! » ?
Pourquoi suis-je celui qui enfin, carne bleue – gueux liquéfié –
Vile coulure humaine, mourra ?
Pourquoi suis-je seulement
- Noël F. aujourd’hui ?
Pourquoi suis-je si différent
- De celui qui fut Noël F. autrefois ?
NF
09 octobre 2008