Je m’imagine, fantôme, glissant dans son sillage. Il est avec une bande de copains, ils parlent fort et rient beaucoup. Ils entrent dans le piano-bar, se dirigent vers leur table, toujours la même, ils sont connus et appréciés. L’un sort une guitare, l’autre une partition, Lui se lève et commence à chanter, il s’y reprend à plusieurs fois cherchant un Si, bien campé sur le Sol, tout en se grattant le Do. Il se rassoie, discute quelques accords. Ca parle technique, les fronts se plissent, on commande des bières. Je suis assis en face de lui, juste entre un gros et un petit. Moi je ne prends pas de place et on ne me voie pas, je suis esprit, tant pis. Il a l’œil vif et pétillant, toujours un sourire aux lèvres, derrière sa moustache fournie. Il se relève et chante une strophe et se rassoie de nouveau, quelque chose le chagrine, il est perfectionniste.
Il avale une gorgée et allume une pipe. Les coudes sur la table il semble réfléchir, un silence relatif se fait, les uns parlent tout bas, les autres sont suspendus à ses lèvres. C’est un homme profondément humain. Ca se voit à sa façon de regarder les autres, ça se sent dans ses silences à sa façon de tirer sur sa pipe, cherchant l’inspiration, ça s’entend à sa façon de leur parler. Il est célèbre, réputé, aimé mais reste simple ; Il n’aime pas les honneurs, les gens trop bien pensants. Il aime les pauvres, les déshérités, les voleurs de pommes. La bière aidant, une deuxième puis une troisième tournée, on a rangé les partitions, posé les guitares, on parle de tout, de rien. Il aime les hommes pour leur faiblesses, il se met dans la peau des petits, des cocus des oubliés pour chanter pour eux, pour chanter en leur nom. Il aime les femmes il les chante si bien, qu’il les rend toutes belles. Il a chanté la mort, la mort aguicheuse Pour le remercier, un jour elle est venue et lui paya à boire, alors ils sont partis, bras dessus, bras dessous, en chantant fort et faux, ils sont partis tous deux, il n’est jamais revenu. Il paraît que la nuit il hante la plage, la plage de Sète.
Moi, j’aurais aimé le rencontrer.
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J’aurais aimé le rencontrer
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Texte remis dans la bonne rubrique
Oui quoi, y a pas de raison, c’est ici sa place.