J’étais jeune à l’époque, six ans, lorsque j’ai pu voir ton visage à la téléchez des amis de mes parents et d’un coup, j’ai fait de toi mon fiancé, c’est sûr j’allais me marier avec toi. Tu étais beau, brun, un regard de braise.Tu jouais si bien, on ne voyait que toi et même si la télé était en noir et blanc, tu crevais l’écran laissant les autres personnages dans l’ombre, je n’avais d’yeux que pour toi. Ah ! Mon fanfan que tu étais beau !
En mille neuf cent quarante deux, tu as été engagé par Claude dauphin, alors que tu n’avais que vingt ans,pour jouer “ une grande fille simple” avec Madeleine Robinson. Les rôles se sont bousculés et j’ai pu te connaître sous les traits de Julien Sorel dans” le rouge et le noir” ou François dans “ Le diable au corps” C’est tout ce que je connais de toi car je ne t’ai jamais vu au théâtre et pourtant tu brulais les planches avec le Cid ou d’autres personnages. Je n’étais pas à Avignon à l’époque et puis j’étais si jeune pour comprendre mais voilà tu es décédé en mille neuf cent cinquante sept d’un cancer du foie, tu n’avais que trente sept ans et moi Trois. On ne pouvait pas se marier si petite, je ne comprenais pas pourquoi je te voyais à la télé... A la campagne et naïve comme je l’étais, je ne pouvais pas imaginer que tu étais enterré à Ramatuelle dans ton costume du cid ... Je ne pouvais pas imaginer que tu avais une épouse et deux enfants. Je ne pouvais pas imaginer que bien plus tard, regardant certains documentaires, je serais toujours amoureuse de toi et surtout du théâtre. C’est grâce à mon père que j’ai commencé à aprécier les comédiens et toi tu as fini l’ouvrage. Il reste dans mes rêves ce regard de braise qu’aucun homme n’a pu me faire oublier. Tu étais mon premier amoureux et je crois que je n’ai jamais aimé depuis...