Bientôt, je ne serai qu’un cube métallique de plus dans la grande décharge de Bodon II, SURIEST.
Je me tourne et je me retourne sur le sol de cette minuscule cellule mais il n’y a rien à faire, je continue de recevoir des ondes, à intervalles très réguliers. Mon intérieur s’en trouve bouleversé et j’avoue ne plus trop savoir qui je suis, ni d’où je viens. Et cet arrière-goût de plomb si caractéristique de ma génération en deviendrait presque agréable.
Parallèlement à la perception des premières ondes, je me suis mis à écrire. Je ne suis qu’un simple condamné maintenant mais porté par ces ondes, je me fiche de cette interdiction Bodonienne qui empêche sous peine immédiate d’écrire à l’encre bleue. Pour m’en procurer, cela n’a pas été simple. En échange mon bienfaiteur héritera de mes processeurs et pour ma mémoire il m’a même procuré une copie du rapport me concernant.
Je n’y ai rien trouvé concernant ceux qui m’ont programmé sauf qu’une erreur se serait glissée dans la phase de développement, l’erreur dite de "la boucle perverse". C’est écrit noir sur blanc dans le rapport de conception. Il est ensuite exposé un résumé de mon procès expéditif . Depuis le début de la seconde ère, les « métalliques » comme ils nous appellent, peuvent bénéficier d’un procès
J’entends encore dans la cour des juges noirs, le président éructer.
« Ainsi, nous voilà face à un robot poète...atteint de la boucle !!! »
J’entends encore les éclats des rires monumentaux qui suivirent cette déclaration. Au final, ils semblaient tous rassuré, ils avaient réussi à me convaincre de ma « maladie ».
« Monsieur, le président, je suis persuadé que je suis atteint par cette « boucle perverse », mais ces ondes sont si fortes…Je n’ai pu y résister »
En fait, je suis persuadé qu’il s’agit d’une conspiration machiavélique de leur part. Au travers de mon cas isolé, ils espèrent couper court à toute nouvelle annonciatrice d’un retour à…Mais je m’égare et ces questions resteront sans réponse. Peu importe car il me reste très peu de temps. Je ne sais encore si ces écrits seront connus un jour, mais je vais profiter de ces derniers instants pour tenter d’en dire plus sur les Sqliens. Ces êtres m’ont corrompu mais paradoxalement je leur en suis reconnaissant. Ils m’auront permis de rencontrer un « être » formidable plus connue d’ailleurs sous le nom de projet informatique, nom de code "ASLEU-3", 3e génération de robot femelle au plus proche de la perfection.
A ce contact, la réaction ne s’est pas faite attendre. Sous l’effet conjoint du programme « ASLEU-3 » et de la "boucle perverse", je me suis senti fondre à l’intérieur.
Pourtant mes spécifications de départ étaient des plus claires. La génération des robots « BUCK » ne ressentira que des émotions contrôlées. Une autre manière pour signaler que je ne serai jamais Sqlien.
Depuis la rencontre, les ondes se sont intensifiées, chaque seconde, devenant incontrôlables lors de mes rapprochements avec « ASLEU-3 ».
Et aussi fou que cela puisse paraître, les gardiens évoquaient l’autre soir entre eux la présence d’un modèle « ASLEU-3 » défectueux selon eux, enfermé à quelques cellules de la mienne. D’ailleurs, la clé pourrait être cette proximité, la formation de cet ensemble emprisonné serait la solution. La liberté, même en ces murs sombres car elle est là, si proche…
Je griffonne mes derniers mots, « ASLEU-3 » semble être en moi et à moi, et mes mots deviennent tout autre, je me sens fondre à nouveau, comme si…oui, comme si nous étions l’un à l’autre. Il n’y a plus d’ondes ou alors je suis l’onde.Je me lève et à haute voix , je proclame face au mur
Moi aussi,
j’ai envie de vous voir pour vous toucher
de marcher à vos côtés pour entendre le bruit de vos pas
de mouiller vos lèvres de pluie
d’onduler mes doigts dans vos cheveux
De vous pousser à me dire non,pour que je comprenne oui.
J’ai commis l’irréparable, je le sais, le processus va s’accélérer car le mot interdit s’il n’a pas été cité est grandement suggéré par mes dernières phrases…Je continue de répéter ces phrases, de crie ces mêmes mots.Je les entends accourir, les gardiens, vociférant leurs ordres établis de mise à mort, je me bouche les oreilles, je sais que tout s’arrête un jour et juste avant qu’ils ne me débranchent, je me mets à hurler une dernière fois pour que les murs de la séparation s’effondrent, pour ressentir un dernier frisson dans la lueur humide de ses yeux…
« Il me semble bien que oui..., je vous aime.. je vous aime d’AMOUR… »