Et la nuit nous laisse meurtri par tant de sombres idées et de souvenirs enfiévrés. Vivre n’est plus qu’un asservissement, une vieille habitude dont on ne peut se défaire.
Et chaque matin nous trouve un peu plus pitoyable, un peu plus brisé, un peu plus mutilé et les mots, morsures acérées que l’aube réveille de ses griffes glacées, nous blessent sans répit. Nos rêves se meurent sous le poids de nos existences brèves et de nos amours douloureuses.
On respire, on suffoque, on étouffe empêtré de doute et de silence. Eperdu, on gesticule dans l’inutilité de nos actes comme un noyé tente en vain de remonter à la surface. On déambule sur le fil ténu de nos espoirs avec cette sensation étrange que chaque pas en avant est une fuite vers le passé.
Alors on baisse les bras ne trouvant plus de raison à chacun de nos souffles, ne trouvant plus de sens à ce cœur qui s’épuise à chercher une lumière qui n’existe plus, pas même une étincelle. Et le temps tout à son œuvre s’écoule nous laissant sur le carreau, vaincu et réduit au néant d’un jour qui va recommencer : les mêmes gestes toujours, les mêmes visages croisés, les mêmes paroles... le même vide.
On veut crier mais on n’ose pas perturber l’indifférence tranquille du monde alors des deux mains on se bâillonne et l’on ferme les yeux pour mieux cacher la terreur que l’on pourrait y lire. Les heures passent, les semaines, les années, train de vie lancé à pleine vitesse sur les rails de la solitude et la vieillesse nous brise de ses doigts de marbre...