Le vent s’est levé, fort et puissant tel un taureau furieux et la nuit est noire comme une encre profonde. Si noire que la lune, diamant des ténèbres, se couvre d’un voile mélancolique.
Dans l’ombre de sa solitude, elle attend.
Nul ne connaît aussi bien, ne peut définir avec autant de discernement cette vague immense qui serrera sa gorge, tendra ses muscles et l’empêchera presque de respirer.
Elle sait que ce soir la maison sera l’artisan de sa peur, son adversaire, son ennemie.
Soudain c’est le signal, une porte claque, le bois craque en mille murmures et dans l’escalier les marches grincent comme des soupirs gémissants.
Les murs commencent à vivre, s’emplissent de présences, armée de spectres en rangs serrés qui envahissent l’espace, déterminés légionnaires montant au combat. Des souffles glacés frôlent son visage et des chuchotements sourds emplissent le silence.
La peur qui l’envahit la submerge comme une déferlante.
Elle tombe à genoux puis se laisse glisser sur le sol glacé. Elle ferme les yeux mais rien n’y fait, dehors la tempête fait rage alors dans son esprit la tourmente s’insinue.
Un volet gifle la façade dans un martèlement sourd, elle sursaute, et chaque coup porté devient une intrusion violente vers son âme en péril.
Alors, pour ne pas succomber à cette obscure terreur qui s’infiltre dans son cœur, elle s’invente un monde d’harmonie et de tolérance, un monde sucré, en rupture avec le réel.
Elle voit des oiseaux blancs qui volent dans le ciel au-dessus de la mer, elle voit au loin un bateau qui se balance sur les flots turquoises, elle voit...
Mais brusquement, les oiseaux s’enfuient affolés, les vagues viennent se fracasser sur la grève et l’horizon s’obscurcit. Le bateau tangue et chavire... comme sa raison.
Elle s’éveille dans un cri, dehors l’orage se déchaîne...