Un début de mois de septembre étouffant, mon frère et moi, nous attendons péniblement devant le garage collectif du petit immeuble, 3 rue de la justice à Nanterre, celui où repose ta vieille mobylette. Nous nous remémorons alors pour patienter quelques unes de nos dernières rigolades, surtout ces fameux moments où tu commences à parler ton dialecte agrémenté de jolis noms d’oiseaux. Aujourd’hui, nous voulions te faire une visite surprise mais ta porte est restée fermée et mon grand frère a prévenu nos parents.
Soudain, la rue semble s’agiter et des hommes casqués, vêtus de cuir descendent rapidement de leur camion rouge. Ils prennent le chemin de l’appartement de grand-père, les voilà même, qui se précipitent dans l’escalier pour atteindre l’étage au plus vite. Je les suis à distance, impressionné . Ils frappent à la porte, puis la défoncent sans se décourager d’un ou plusieurs coups de boutoir dignes d’un rhinocéros qui charge.
Dans le craquement du bois de la porte finalement peu épaisse, l’image se trouble, mais derrière l’entrée béante je distingue tout de même la petite table de la cuisine. Sur le dessus, j’aperçois une rondelle de ce saucisson à l’ail que tu aimes tant Pépé, et posé juste à côté le traditionnel bocal de cornichons polonais. Tout semble calme, pourtant le visage des pompiers qui évitent nos yeux curieux est grandiloquent et leurs mots sont durs pour nous, je m’en souviendrai longtemps encore.
"Il est raide le vieux..."
Mon frère, derrière moi n’ose pas, alors je me décide à entrer, à petits pas, rythmés par la pendule de ta chambre minuscule. Allongé dans ton costume du dimanche, tu as l’air paisible mon pépé, même si tu as tourné ta dernière page tu restes élégant.