A dire vrai, je sens surtout le Whisky à plein nez, étrange, il doit s’évaporer.
Ca y est, j’ai trouvé, je vais terminer cette satanée bouteille, elle consentira peut-être alors à me lâcher. La tâche est ardue car sa tangue dru, mais l’expérience prévaut et je peux enfin poser le flacon vide.
Je fête aussitôt l’évènement par un rot sonore sorti du fond d’un gosier que des vagues d’alcool prennent d’assaut. J’ai bien failli gâcher mon breuvage.
Le lavabo se ramolli, sûr qu’il va se liquéfier, la chaleur sans doute, j’ai des vapeurs et la glace s’embue à moins que ce ne soient mes yeux… Etrange.
Le dentifrice joue à cache-cache derrière mon verre à dent. Putain ! On ne me la fait pas à moi. D’un geste vif et précis, je m’en saisi. Le verre a eu moins de chance, le voici tout émietté au fond du lavabo. Pourquoi a-t-il fallu qu’il saute, il a dû prendre peur. Ma brosse à dent est tombée elle aussi, entraînée par le gobelet suicidaire. La repêcher me semble impossible ; je tiens toujours le lavabo. Je sais, je vais déposer directement le dentifrice sur les dents, on verra après pour la brosse.
Voilà qui est fait. Ma brosse gît toujours au fond du lavabo, et ça tangue de plus en plus. Je cramponne le lavabo des deux mains, il s’agite de plus belle. Je crois bien que j’ai le bras trop court pour plonger au fond du lavabo.
Que faire ?
Je me penche, ma main gauche, dans un élan surhumain se détache du bord du lavabo et s’agrippe au robinet d’eau chaude. Le plus dur est fait. Luttant contre la tempête qui soudain s’est levée je m’efforce de me rapprocher de la brosse perdue au milieu des icebergs qui flottent dans le lavabo. Ca y est, j’ai la brosse à dent. Merde ! Je me suis coupé après un iceberg. Aussitôt je pense au Titanic, quelle tragédie ! Je perds mon sang par cette voie d’eau qui s’est faite dans le flanc de mon doigt. Horreur ! Oh rage ! Oh… Bon je vais tout de même me laver les dents.
J’ai la bouche pâteuse… L’alcool ? Le dentifrice ? Un mélange des deux ? Je ne sais. Il faudra que j’y repense, que j’analyse…
Tiens ! Je fais une drôle de gueule. Ce miroir est devenu subitement déformant. Me voici tout bleu avec la tête aplatie et de longs appendices en guise de cheveux. Je ne me rappelle pas m’être fait faire des rastas, le dentifrice a des effets pervers sur ma mémoire.
Le miroir se trouble comme la surface d’un lac que traverserait… Un bras, une espèce de bras. Les effets spéciaux sont terribles… Des effets spéciaux dans ma salle de bain, diantre, fichtre, burp… Encore un rot, j’ai vraiment abusé de la pâte à dent…
Mais que me veut ce bras ? Il me saisit, m’agrippe, me tire vers la glace que je traverse comme dans mes rêves les plus fous. Briser la glace, quel meilleurs moyen y-a-t-il pour faire connaissance.
Je suis debout, encore un peu éméché, mais il flotte dans l’air comme une espèce de je ne sais quoi, pour être précis, qui me dégrise petit à petit.
Je suis entouré de petits êtres bleus, petits mais trapus, rien à voir avec des schtroumphs, ils semblent me regarder avec une sorte d’admiration, à moins que l’intérêt qu’ils me portent ne se rapproche plus du regard d’envie qui naît dans nos yeux quand arrive la dinde de Noël. Qu’elle drôle d’idée que celle qui me traverse l’esprit à l’instant.
Ils grommellent, ils jacassent, ils émettent des sons plus étranges les uns que les autres. Je ne comprends rien.
Tout à coup une douleur vive dans le bras me fait sursauter. Un de ces petits monstres m’a piqué et m’injecte une substance dont je crains le pire. Instantanément leur langage me devient familier, de plus le procédé a achevé de me remettre les idées au clair. Immédiatement c’est la panique. Où suis-je ?
Krônhch, c’est le chef, me rassure. Je ne risque rien, je ne suis qu’à mille sept cent trente trois parsecs de ma salle de bain, par le biais des circonvolutions de l’espace temps, autant dire que je suis au petit coin, mais pas dans la merde, ( Excusez l’expression).
A la vérité, je suis une idole chez les Sbreks, c’est comme ça qu’ils s’appellent, ils sont ébahis par ma faculté de modifier en permanence mon équilibre. Sur le coup, n’étant plus du tout saoul, je ne saisi pas ce à quoi ils font allusion. Rapidement, devant leurs mimiques suggestives quoique très maladroites, je comprends qu’ils s’intéressent à l’état second que me procure l’alcool. Leur planète est ainsi faite qu’il leur est nécessaire de compenser à tout instant leur équilibre et ils en souffrent énormément.
Aujourd’hui, je ne bois plus, rasé de près et superbement bien sapé en permanence j’ai créé un commerce quelques peu illicites il est vrai. Je suis le fournisseur attitré des Sbreks en Whisky, Vodka, Gin, et autres alcools frelatés. De plus j’ai instauré un droit de passage pour ma glace, il faut ce qu’il faut.
J’ai également créé une agence de voyage très spéciale, réservée à une élite, très friquée. J’offre des vacances en Sbreky.
Un de mes nouveaux amis, moyennant espèces trébuchantes, joue les passeurs pour personnes peu désireuses d’être retrouvées. Parfois, elle-même ne s’y retrouvent pas ; mon ami est comme ça, il ne s’encombre pas des détails et l’espace est si vaste.
Une ombre au tableau ! Les Sbreks m’ont parlé de Sbligs, peuple extra terrestre sanguinaire, qui dévaste les galaxies. A ce qu’il paraît ils seraient bientôt à notre porte via le passage de ma salle de bain.
Je crois qu’il serait souhaitable de briser la glace pour de bon.