John était attaché par les chevilles. Omar El Thared lui ouvrit l’abdomen d’un coup de sabre. Ricanant cruellement il aurait voulu lire la terreur et la souffrance sur le visage du supplicié.
John entre deux soubresauts lui fit un petit clin d’œil. Il semblait vouloir dire quelque chose. Omar s’approcha et entendit de la bouche de John, son ennemi agonisant : « Etre pendu par les pieds, ça fait circuler le sang. »
Je refermai le livre d’un claquement sec. Quel carnage ! L’auteur s’en était vraiment donné à cœur joie, trucidant à tours de bras. Ce livre me laissait un goût amer, Je ressentais comme un malaise, j’avais perdu mon temps à lire ces... Le temps, mon Dieu quelle heure est-il. Deux heures moins le quart, jamais je ne serais à l’heure au lycée. Le prof en retard le jour de la rentrée ça la foutait mal. Je me précipitai hors de chez moi. Ah ! Si j’avais pu prendre l’avion et me faire parachuter au dessus de la cour de l’école. Je sautai dans un taxi.
Je voyais déjà la tête du proviseur. Comme à son habitude, il ne dirait rien, pensant très fort qu’il y a du relâchement. Il me regarderait franchir, essoufflé, la grille, avec son air des mauvais jours, en tapotant sa montre.
Et tout ça à cause de cette connerie de bouquin ! Ah si je tenais l’auteur...
Quatorze heures, la gorge sèche, et rien à boire. Et ce taxi qui n’avance pas.
Quatorze heures cinq, je descends du taxi manquant de tomber en me prenant les pieds dans ma sacoche. Les élèves sont en rangs dans la cour et je ne vois pas le proviseur. Il semble lui aussi être en retard, je suis sauvé. Je rejoins mes collègues, le concierge vient juste de leur faire part du retard excusé du proviseur. Il est coincé dans un bouchon, place de la Concorde.
Je souris, discrètement.
Les élèves prennent place dans la classe dans le brouhaha habituel. Debout, calme derrière mon bureau, je semble me recueillir. En vérité je cherche par quoi je vais bien pouvoir commencer. Faire l’appel me semblerait judicieux, seulement voilà, le retard du proviseur me prive de la liste des élèves et de l’emploi du temps. J’ouvre ma sacoche, vide. Elle est vide, j’ai oublié mon cours à la maison. Décidément je cumule.
Gagner du temps.
(-----)
Je me présente. Eric Ochey, je suis votre professeur de math et votre professeur principal. Je me redresse, je bombe le torse, je ne veux pas donner une image vieillissante de ma personne.
Je choisis une élève au hasard.
Mademoiselle...
Claudie !
Mademoiselle Claudie, au tableau !
Elle est mignonne mais maintenant qu’elle doit passer au tableau devant tous ses camarades, je la sens pour le moins intimidée, liquéfiée me semble le mot juste.
Bien mademoiselle, tracez-moi un système d’axes X, Y d’origine O.
Une voix s’élève dans le fond de la classe.
Monsieur, monsieur !
Oui que voulez-vous.
C’est un jeune homme boutonneux qui se trémousse sur sa chaise, il a certainement envie de pisser.
On dit original, Monsieur !
Sur le coup, je ne comprends pas bien où il veut en venir, je réalise enfin, origine O, original.
Non d’un petit bonhomme, j’en ai des gratinés cette année.
C’est toi l’original, mon garçon, calme-toi et suis ce qui se passe au tableau.
Personne n’a bronché, je m’attendais à une crise de rire générale, qui m’aurait permis de piquer une petite crise d’autorité et de gagner ainsi cinq bonnes minutes, mais non, ils n’ont rien compris, j’ai vraiment hérité d’une bande d’originaux.
Je regarde Claudie, elle n’a encore rien écrit, elle donne l’impression d’attendre que j’en ai terminé avec l’autre zigoto pour s’exécuter. Elle joue la montre, elle aussi.
Alors, Claudie, ce système d’axe !
Elle me répond alors d’une voix suraigüe, elle parle vraiment comme un cristal qui chante.
Orthonormé ou non, le système d’axes, Monsieur.
Elle a oublié d’être bête cette petite.
Sur ce, Monsieur le proviseur entre dans la classe. La classe se lève comme un seul homme, les braves gosses.
Asseyez-vous dit le proviseur.
Bonjour Monsieur le proviseur, j’ai appris pour ce bouchon, comme vous avez dû être ennuyé, monsieur le proviseur.
Oui, n’en faites pas trop tout de même !
Monsieur, il me faudrait la liste des élèves et l’emploi du temps.
Mais vous avez eu tout cela par courrier il y a une semaine !
Par courrier ! Il y a une semaine ! Mais bien sûr monsieur le proviseur, où avais-je la tête, j’ai tout ceci dans mon sac avec le cours.
Justement, à propos de cours, j’aimerais voir comment vous vous en sortez avec ces jeunes plutôt difficiles. Je vais m’asseoir dans le fond, faites comme si je n’étais pas là.
Bien monsieur le proviseur.
Mon petit Eric, tu es mal barré, très mal barré.
-
Une rentrée en Math, hier.
...
- Accueil
- Une rentrée en Math, hier.
Je crois que j’aurais aimé enseigner les mathématiques. je crois aussi que les élèves ne l’auraient pas supporté.
Bon, c’est vrai, je n’ai jamais été prof. Si, j’oubliais, pendant un an, après le service militaire, oui à l’époque, il y avait un service militaire, j’ai enseigné le calcul, j’ai bien dit le calcul et pas les math à des classes de CAP 1re et 2e année. Ben c’était pas triste, ils n’en avaient vraiment rien à foutre et moi je devais être pédagogue, comme un éléphant qui trouve un œuf.(Maxime indienne du IIIe siècle avant notre air pollué)