Malgré l’arthrose, les bleus à l’âme, le sentiment que rien ne vaut la peine de s’acharner, que le dictionnaire n’a aucun talent, sauf pour faire peur aux grands, qui croient le devenir en utilisant des mots compliqués et trop souvent le verbe ’agréer’, je veux résister, je veux échanger mes idées, comme on échange un quignon de pain contre un ballon de vin avec ses amis les plus chers, je refuse une attitude stupide de résignation face au temps qui passe, je veux découvrir vos talents, je veux me perdre dans vos mondes et, par là, m’élever enfin de la gadoue ambiante dans laquelle ma vie s’enlise parfois...
Madame Claudie Becques,
Vous me semblez bien curieuse. Vous nous demandez pourquoi les gens écrivent. Je ne sais pas pourquoi les gens écrivent ! Ca les regarde ! (hihihi).
En ce qui me concerne, j’écris pour retrouver les sentiments qu’on nous enlève dans ce monde aseptisé par la ‘raison’. Un monde égoïste dirigé par une logique implacable de rentabilité et de profits.
Madame Claudie Becques,
Vous qui avez ce talent de nous faire rêver, j’ai une question subsidiaire pour vous : "pourquoi écrit-on sur ‘La plume & l’encrier’ ?".
Et voilà ma perception : La plume & l’encrier n’est pas un des X-milliardièmes sites web, c’est un lieu de vie, d’apprentissage, oui, c’est ça, précisément cela ! : c’est une école, l’école de la vie et du partage !
C’est un lieu magique, ouvert et tolérant, qui vous pousse dans vos retranchements. Qui ouvre des débats qui ne se referment pas. Et c’est précisément cette impression de ‘non-fin’ qui donne à notre passion, à ce site, cette couleur d’infini... qu’on aime, passionnément !
Sommes-nous pour autant des "artistes" ?
Je crois dès lors que nous exprimons librement et que la poésie, l’art, nous permet un abord différent du monde. Une vision plus acceptable ?
La réalité, observée à froid et sans passion montre la décadence d’une société que nous condamnons, qui nous conduit de crise en crise, de lâcheté en lâcheté, jusqu’aux guerres. Il ne s’agit pas de fuir cette réalité, mais de lui rendre, peut-être, sa valeur.
La révolution ne se fait pas dans la forme, elle se fait dans le fond. Il n’y a pas d’art nouveau, de société nouvelle, sans hommes nouveaux.
Au fond tout cela tiendrait-il à un mot ? ’Renaissance’. Au travers de chaque texte, de quelque nature qu’il soit, poétique, humoristique, philosophique... l’analyse ou l’éclosion de sentiments, nous entraîne, forcément, à réfléchir plus loin, à adopter un autre regard sur nous et le monde qui nous entoure...
I. L’art, pas plus que la science, ne peut vivre sans libre-examen.
’Celui-ci revêt dans l’art un aspect particulier, il reste toutefois fondamentalement identique à ce qu’il est pour le chercheur’.
Ce qui différencie l’Art du Style, l’original de la reproduction, le génie de la technique, est fait notamment d’une perpétuelle invention.
Le fait de l’artiste est de recréer le monde : ce n’est ni une image, ni une outrance poétique. Le peintre, le sculpteur, ne fait pas de la reproduction d’après nature : étalagistes et photographes industriels l’emporteraient sur lui.
Il y a une perpétuelle remise en question du donné brut de l’expérience, il y a quelque fois mise en œuvre délibérée d’expériences nouvelles, il y a critique d’abord, sans borne, sans limite, sans argument d’autorité ou toute autre forme de dogme.
Le monde passe par l’âme, mais je ne comprends pas ce mot là. Le monde passe par l’esprit, le sien, pas celui d’un hypothétique et/ou quelconque gourou.
Lorsqu’il en ressort, il s’est profondément transformé par cette introspection, par cet ’entretien avec soi’, que l’échange ait eu forme dialectique ou confuse.
Interpréter l’espace, le temps, nécessite de l’espace et du temps et leur perception est une sensibilité.
Cela ne se peut, il n’y a création de valeur artistique et esthétique, que si l’on bouscule préalablement l’acquis de l’habitude, forme sensible de l’éducation, du dogme, du conditionnement ; si l’on se résout enfin à vouloir éprouver par soi-même.
Démarches fondamentalement identiques du savant et du poète, les différences, superficielles, étant déterminées par la diversité des objets poursuivis.
I’. On ira plus loin : l’Art et la Science sont complémentaires.
’La Science abstrait et éloigne l’homme de la réalité, de la nature, de lui-même. L’Art, ou la ’création’, l’y ramène’.
Cette complémentarité joue comme une pulsation intérieure d’une vie et d’une destinée profondément humaine. Le libre-examen, qu’il revête l’une ou l’autre forme qui lui permettent son rôle moteur dans les deux domaines, y est indispensable, comme l’oxygène à l’organisme.
Sans lui, il n’y a pas de ’science’, il ne saurait y avoir non plus ’création artistique’. Commune mesure entre ces deux formes de vie ’spirituelle’, on s’aperçoit que rien ne sert à le condamner, il n’est que simple méthode. Ou manière de s’élever ?
II. On a souvent démontré que l’Artiste, par sa liberté d’expression, ce libre arbitre, ce refus du dogme et de l’autorité, se trouve engagé.
Il ne peut d’ailleurs plus s’en remettre à d’autres : nous sommes à l’âge des nations armées et non plus à celui des lansquenets.
C’est l’artiste lui-même qui doit payer de sa personne et défendre les libertés spirituelles et matérielles sans lesquelles seule l’existence physiologique peut encore, à la rigueur, subsister.
On montrerait en vain les admirables génies nés au cours des époques sombres. Il y eut aussi des savants, encore certains périrent-ils sur le bûcher, mais nul ne songe à prétendre que tel régime ou tel autre permit leur existence. Et n’évoquera-t-on pas ce Vermeer de Delft, qui, la nuit tombée, s’échappait furtivement de sa demeure et franchissait la frontière pour s’en aller peindre en liberté ses seuls véritables chefs-d’œuvre.
Au reste, l’esprit de l’homme en s’affranchissant lentement a-t-il appris à exiger plus d’espace et ne pourrait-il plus se contenter des étroites cellules dont il fit, autrefois, son univers.
III. Cette identité de situation entre le Savant et l’Artiste permet de reconsidérer le différend entre tenants de la littérature engagée, par exemple, et partisans de l’art pour l’art.
’Le savant, le chercheur, peut et doit s’engager, nul ne le conteste. Nul non plus ne rêve qu’il engage la science’.
Ou plutôt, les derniers croyants, de quelqu’obédience qu’ils soient, religieuse ou politique, mormone ou marxiste, impénitents et de stricte observance, s’efforcent eux-mêmes, désormais de ne point insister sur ce point là du dogme.
’De même, l’artiste peut et doit s’engager. Faut-il lui demander d’engager l’art’ ?
Et l’engagement ajoutera-t-il quelque chose à la beauté de l’œuvre ?
Rien n’empêchera, en tout cas, que l’art ne doive être jugé en termes de beauté et non en termes de vérité ou de justice !
Admettons un instant que les poèmes d’Aragon soient aussi beau que ses thuriféraires (1) le disent : cette beauté tient-elle à leur aspect "littérature engagée" ou à quelque chose "en plus", qu’on le nomme art, talent ou génie.
Personne en tout cas n’est tenté de prendre Déroulède (2) pour le plus grand lyrique français. Il est vrai qu’il n’emporte avec lui plus de passion idéologique.
Tout ceci n’empêche d’ailleurs que l’inspiration, plongée à pleine brassée dans le réel, n’en ressorte très riche et constamment vivifiée, mais encore ne faut-il point oublier qu’elle doit ‘en ressortir’.
IV. Ainsi donc, ce n’est point l’Art qui doit s’engager, mais l’artiste.
Voilà peut-être de quoi mécontenter tout le monde.
Ce n’est pourtant que le rappel d’une donnée fondamentale : la nécessité générale, et commune à tous les hommes, de l’ENGAGEMENT PERSONNEL !
X.
X.
1. : "thuriféraire" : la personne qui porte l’encensoir et, par extension, l’admirateur, le défenseur, le flatteur, l’encenseur....
2. : Paul Déroulède (Paris 02/09/1846- Nice le 30/01/1914) est un écrivain et militant nationaliste français. Son nationalisme intransigeant et son côté revanchard en ont fait un acteur important de l’antidreyfusisme.