Les escaliers sont hauts. On arrive essoufflé.
La porte est marron. Le bouton est doré. Plus haut, la sonnette de cuivre à bouton d’ivoire. Forme de flocon. Il suffit d’appuyer pour entendre tinter une cloche joyeuse.
Des pas s’approchent. Des pas lourds mais feutrés comme ceux de l’éléphant dans le sable brûlant. Un verrou grince. Un autre se tait. Et l’antre s’ouvre !
Le plumiste encrié accueille doucement. Son visage est aimable, d’un calme assuré. Il écrit, sait comment, sait pourquoi. Yeux noirs, sourcils noirs, ses cheveux noirs sont tenus par du gel. D’un sourrire il propose de le suivre.
Dans le couloir, à gauche, un guéridon d’acier réhaussé de marbre clair. Des clés gisent là sur quelques lettres neuves qui reposent en paix : des factures, des taxes, un message de banque, rien de primordial. Une tasse oubliée est encore moitié pleine.
A droite un pièce lumineuse. Un parfum lourd d’épices la décrit cuisine, laboratoire de magie gustative.
Plus loin une porte fermée attise le mystère. C’est la chambre, peut-être, qu’il a décrit cent fois palais de mille délices. Un frisson naît et parcours l’échine.
Puis vient le salon pauvrement meublé d’un canapé usé, d’un fauteuil confortable et d’une table encombrée de papiers en pagaille. Ce qui impressionne, ce sont les bibliothèques, pleines, débordantes, foisonnantes, qui etayent les murs. Exposés au regard : "Les misérables", "Voyage au bout de la nuit", un recueil de Verlaine. Et puis des bibelots : une Athéna en plâtre, un mini phare d’Ouessant, une poupée de Chine, un masque de bébé Ganesh, une pyramide qui fait horloge, des bougeoirs à pamprilles et des boîtes de bonbons, qui marquent le grand voyageur.
Du doigt il nous montre l’objet, celui que l’on vient voir, l’objet de la visite.
- Faites vite s’il vous plaît, dit le plumiste encrié.
Alors on le rassure. Ca ne prendra qu’un instant... probablement. On s’affaire sans hâte, on résoud le mystère.
- Voilà ! Ce n’était rien ...
Mais déjà il n’écoute plus. Il est reconnecté et ses doigts courrent sur le clavier. Il peut achever son texte, soulagé, et puis le publier.
On s’échappe sans bruit. Surtout ne plus le déranger !