J’ouvre les volets par ce matin d’hiver, les flancs des coteaux sont couverts de neige, une neige pure et blanche pas une trace de pas, pas un bruit ne se fait entendre
Accoudée à la fenêtre j’admire la blancheur virginale à travers les vitres couvertes de gel, il fait froid, quelques flocons virevoltent sous une brise légère.
Pourtant il me faut partir, l’horloge sonne neuf coups et je ne dois à aucun prix rater mon rendez-vous, ma tasse de café brûlant avalée, je jette un dernier coup d’œil au miroir de la salle de bain ! Horreur ! J’ai un bouton sur le nez ! Ce n’est pas un bouton c’est un phare !
Je ne peux pas sortir comme ça ! Je ne peux pas ! Ce rendez-vous est si important ! Que faire ? Je renverse affolée ma trousse de maquillage dans le lavabo, le flacon de parfum s’échappe et roule au sol ! Zut !!! Ce n’est pas mon jour décidément !
Je cherche fébrilement mon fond de teint, moi qui n’use jamais de tels artifices, il doit dater de mathusalem, mais c’est un cas de force majeure ! Un bouton sur le nez vous imaginez ? En appliquant la crème salvatrice sur mon visage je repense à cet étrange message reçu la veille :
- « rendez-vous au café des sports à 9h30 précises, Papa ».
Je sors, la neige fraîche crisse sous mes pas, le village est à deux minutes à pieds, j’ai largement le temps ? J’arrive devant le café, je jette un œil par la porte vitrée, trop de buée, je ne vois rien. Il est tôt ... je suis en avance, j’ouvre le battant et après avoir balayé du regard la salle presque vide je m’assieds en attendant mon père. Cela fait quinze ans qu’il est parti, que me veut-il après tout ce temps ?
Des éclats de voix retentissent de la rue, deux clochards se disputent un bouteille de vin, l’un rentre dans le bar, tonitruant et tel un éléphant dans un magasin de porcelaine il renverse au passage une table..... je ne peux m’empêcher de le suivre du regard, quand il ressort poussé dehors par le patron de l’établissement.
Il hurle et vocifère si fort que ..... je me réveille en sursaut, la sueur collée au front, le cœur battant la chamade ...., j’ai encore rêvé de lui ... si seulement je pouvais .....
J’ouvre les volets, la neige est blanche immaculée, je pars comme tous les 21 janvier depuis 15 ans.... Quelques fleurs sur le marbre blanc dans ce cimetière couvert d’un manteau de neige....
Bon anniversaire papa.