Tu as réuni tous tes amis, avec gâteau d’anniversaire, bougies et champagne. Une belle soirée !
30 ans ! L’âge de raison dit-on. La bonne blague ! Pour toi c’est plutôt l’âge de la déraison et du retour au point de départ.
Tu commences à écrire. Tu en ressens le besoin. Toute l’histoire est là, enfouie, attendant que tu la libères.
Ton histoire a l’odeur de la pluie. Elle te touche autant qu’elle te fait mal. Tu es rassurée d’être seule, pour une fois. Tu peux ainsi te retrouver, faire le point. Du temps, tu en as maintenant, trop malheureusement, tu ne sais pas quoi en faire. Il faut dire que ton cœur s’est arrêté de battre un long moment et qu’il faut réapprendre à vivre, à aimer, à t’aimer. Enlever cette couche de peine qui s’est incrustée sous ta peau. Tu as presque réussi à t’en débarasser mais certaines zones sont brûlées définitivement. Il faudra pourtant faire avec.
Il doit y avoir des passages obligés dans la vie. Tu as appris la solitude, l’école à t’ennuyer. Gamine, tu as pris l’habitude de rêver ta vie. Ta tête pour seul refuge, tes fantasmes de gosse puis d’adolescente pour seules limites et puis l’envie d’être aimée et la certitude de le trouver, jamais pareil mais toujours présent, en pensée.
Tu n’étais pas amoureuse mais en quête de normalité. Les autres étaient mariés ou maqués, avaient des gamins...tu les enviais. Tu t’es mentie jusqu’au bout, tu pensais faire quelque chose de bien. Peut-être pas pour toi, mais pour lui, persuadée de l’avoir trouvé sur ton chemin parce que c’était ton destin.
Et puis LA rencontre. Le véritable amour. tellement, trop sûrement. Tu as fait ce deuxième choix, non par égoisme, mais la peur au ventre, la peur de faire souffrir et plus encore.
Tu l’as fait avec une seule certitude : cette vie là n’est pas la tienne. Tu es allée jusqu’au bout. Tu étais amoureuse pour la première fois, et tout le reste était secondaire. Tu t’es abîmée, rongée par la peur de le perdre, tourmentée de ne plus être sa priorité. Trop coupable pour lui avouer, trop frustrée pour en parler. Tu étais sûre de tout, de son contraire puis de rien.
Tu as 30 ans. Tu marches dans ces rues. Autrefois elles te faisaient peur. Aujourd’hui elles font partie de toi. Tous ces gens à l’intérieur des bars, des restaurants, tu les vois et tu envies leur liberté, leurs choix, leurs facilités.
Tu as 30 ans mais tu restes "handicapée". Triste et pitoyable luxe aux yeux d’un plus démuni, d’un plus moche, d’un plus pauvre, d’un plus mal loti. Brûlure imaginaire, invisible et pourtant si terrible.
Tu as 30 ans mais tu refuses de te résigner. Tu ne veux plus te contenter, comme on dit. Tu hais l’idée de faire souffrir à nouveau quelqu’un qui ne passerait dans ta vie que pour te réconforter ou soulager ta plaie.