Blind confidence
Chap.1
Crossroads
“Les enfants seuls savent ce qu’ils cherchent.”
Antoine de Saint-Exupéry
C’était un après midi d’automne, un de ces jours gris et monotone où le souffle d’un vent glacial vous transperce le manteau comme il transperce le cœur. La fine pluie qui tombait sur la ville depuis le début de la matinée allait en s’estompant quand un jeune homme se présenta devant les grilles du portail en fer forgé d’une grande bâtisse grisâtre, dont l’aspect extérieur, hormis le ton lugubre du bâtiment, semblait n’être composé que de fenêtres sur toute sa façade. Ce lieu ressemblait bien plus à un centre de détention austère qu’à une institution amicale censée le remettre dans le bon et droit chemin. Yué prit le temps de détailler les moindres aspérités de cette institution où il devrait passer les prochains mois de son existence. En regardant son futur foyer, dressé en face de lui de façon si menaçante, il eut le profond sentiment que son séjour ici allait changer toute sa vie. Il ne savait pas encore de quelle façon et en quoi celle-ci allait être chamboulée, mais cette impression tenace que sa vie ne serait plus la même l’avait saisit au moment même où il avait posé son regard sur l’édifice. Il regarda encore une fois la plaque argentée sur le côté droit du portail où était apposée l’inscription : Centre d’éducation spécialisé pour jeunes délinquants. Il eut un petit sourire en coin, un peu amusé d’être déjà catalogué avant même son entrée sur le territoire de la très haute société aristocratique.
« Alors voilà à quoi ressemble ce centre ?, pensa-t-il. »
Il sortit un feutre de sa poche, feutre qu’il s’était amusé à subtiliser discrètement sur le bureau de la juge et qui passa un temps fou à le chercher avant de se saisir d’un autre stylo et de barrer son dossier d’un bel autographe : Classé ! Son sort était à présent bel et bien scellé à cet établissement désormais.
Yué s’approcha sournoisement de la plaque et rajouta sur l’inscription : Centre d’éducation spécialisé pour délinquants irrécupérables et termina par un bienvenue qu’il souligna d’un trait. Son forfait terminé, il poussa le portail qui grinça lentement d’une manière sinistre et pénétra dans l’enceinte de la cour. Evidement, ils avaient pensé à faire une cour couverte de gravillons afin d’entendre à la perfection les moindres allers et venues des jeunes innocents séquestrés dans cette prison d’état. Dans le silence environnant, ses pas sur le gravier résonnaient comme des sons de cloches à travers une campagne désertique. Il se demanda l’espace d’un instant si on ne lui avait pas donné une fausse adresse mais l’énorme sigle trônant au dessus du porche d’entrée lui rappela qu’il était effectivement au bon endroit. Il jeta à nouveau un coup d’œil rapide aux alentours et se retourna une dernière fois vers le portail. Personne ! Vraiment personne !
Il se décida à franchir le seuil de ce camp de vacances dont l’ouverture béante ne l’incitait pas à accélérer le pas. Le hall d’entrée était tout aussi silencieux que les abords extérieurs et il s’approcha nonchalamment de l’accueil, s’attendant à trouver une secrétaire en train de se faire une manucure personnelle au lieu de travailler. Dans un premier temps d’attente, après avoir appuyé une bonne dizaine de fois sur la petite sonnette et comme il patientait gentiment dans l’espoir que quelqu’un vienne lui répondre, il se pencha à mi-corps par dessus le comptoir afin de guetter la venue de la gentille secrétaire aux ongles manucurées qui lui indiquerait les marches à suivre. Mais tout était vide, il n’y avait pas âme qui vive. Même sur Mars, on aurait pu plus facilement prouver l’existence d’une vie intelligente. A bout de nerfs, il cria :
Y a quelqu’un ici ?