Il est devant toi en voiture. Tu vois tout de suite que c’est lui. Il te voit aussi mais comme il n’est pas seul, il baisse sa vitre, tend son bras et serre plusieurs fois sa main pour te faire signe.
Il a serré ton cœur ce jour-là.
Une discothèque. Du bruit et des gens. Trop de gens. Et puis lui, pas seul. Il cherche ton regard. Tu le sens à l’étroit. Il te dit qu’il t’aime, de loin.
Deux mots sur ses lèvres, deux mots sur ton cœur.
Il part. C’est l’heure. Il part. Il descend les escaliers, s’arrête brusquement, remonte vers toi et te touche la bouche avec son pouce, le regard plein de tristesse.
A cet instant, les mots sont dérisoires car tout est limpide. Tu sais. On t’a donné la possibilité pour quelques secondes et comme par magie de te glisser en lui et de voir ses pensées.
Tu vois ainsi que tout vire au noir et que le radeau chavire. " Tout ce que dans un cœur sensible et généreux
L’amour au désespoir peut rassembler d’affreux
Je l’ai vu dans le sien."
Tu as fermé la porte et tu as compris ce jour-là que ce n’était qu’une question de temps, que vous étiez en sursis, que la vie reprendrait le dessus demain ou dans un mois.
Tu as compris ce jour-là toutes vos différences, d’âge, de situation...Tu as compris aussi tout l’amour qui vous liait.
Mais tu as vite pensé à autre chose, savourant le moment présent en te disant que tu aurais tout le temps de pleurer, après.
Quant au mot, tu le gardes comme un trésor. Un jour, en cachette, il t’a écrit " je t’aime" sur ton petit bloc notes posé sur le meuble de l’entrée. Depuis tu as condamné le petit bloc notes. Plus question d’y toucher. Il a écrit au crayon et tu as peur que les lettres s’effacent, alors tu le conserves comme un manuscrit du Moyen Age.