Pas vraiment un cadavre exquis, peut-être l’envie de reprendre l’idée lancée par Ristretto dans "Liste non limitative d’infimes bonheurs" (à découvrir si vous l’avez loupé) ? Soit d’ajouter des bonheurs à sa liste, soit de la compléter avec des souvenirs ?
Je suis tombé par hasard sur des documents évoquant Joe Brainard, un auteur américain qui a écrit des petits textes en commençant pas "I remember..." (& l’inspirateur du “Je me souviens” de Georges Perec).
C’est intéressant et rigolo puisqu’on essaye en 2 lignes de raconter ou de partager une émotion née d’un souvenir ou d’un événement qui a, à priori, peu d’importance mais qui nous a peut-être conditionné ? Ou qui fait renaitre des sentiments ?
Exemples de Joe Brainard :
Je me souviens de jolis visages immobiles.
Je me souviens de l’automne et de la poussière qui s’élève des tas de feuilles quand on saute dedans.
Je me souviens d’aperçus de vie dans des fenêtres oranges, la nuit.
Je me souviens de l’odeur (j’adore) du vernis à ongles.
Je me souviens de "Un flocon de neige ne ressemble jamais exactement à un autre."
Je me souviens de ne pas avoir compris comment un bébé pouvait sortir d’un si petit trou (je ne comprends toujours pas).
La suite dans "I remember" de J.Brainard, la suite dans G.Perec... La suite dans vos propres souvenirs que j’espère pouvoir lire sur ’La Plume’...
Voici quelques uns des miens :
. Je me souviens qu’on me disait : "Vivre c’est choisir", mais aussi "Choisir c’est perdre...". Je ne me souviens pas qu’on m’ait expliqué comment vivre sans perdre, sans rencontrer d’inconnu, sans espoirs nouveaux, sans inattendu, sans "inouï"..!
. Je me souviens d’Annie, de notre école, de ses lèvres rouges et du premier baiser tremblé, rond comme une caresse goulue... je sais qu’elle s’en souvient aussi.
. Je me souviens de chacun de tes sourires, je ne me lasse pas de les relire régulièrement...
. Je me souviens du manguier près de la maison du "bwana mkubwa"*, de ses branches pliées sous le poids des fruits, comme pour se décharger de ses secrets...
"bwana mkubwa", le surnom donné à mon père, préfet de l’athénée royal de Bujumbura, ou "homme important" en swahili.
. Je me souviens avoir dit à Marie, lorsqu’elle m’a annoncé la fin de l’aventure : "Tu ne dis à peu près que des conneries, mais tu es loyale, fidèle à tes convictions et pleine d’amour et c’est pour ces raisons que je t’aimerai encore après que la porte se soit refermée...". ...Je me souviens lui avoir envoyé des fleurs et un carton où il était écrit "merci de m’avoir inspiré tout ce temps".
. Je me souviens de cette fille aux cheveux blonds comme les blés. De mon rhume de foin, curieux mélange de sentiments...
. Je me souviens d’avoir oublié ce rendez-vous, mais je ne sais plus qui je devais retrouver... Mémoire sélective... de quoi donc me protèges-tu ?
. Je me souviens du jour où je me suis regardé dans un miroir sans retrouver le regard de l’enfant... Je me demande de quoi se souviendra ma vie lorsqu’elle pensera à "la vie" ?
. Je me souviens que rien ne change. On est là à se confier nos secrets, on s’écrit des promesses d’amitié infinie et, curieusement, mes Loulous, je me demande en m’endormant si vous serez encore là demain...
Et toi, de quoi te souviens-tu ?