Rien ne va plus. Et pour couronner le tout, ton copain rentre un soir en t’annonçant qu’il a obtenu une prime, un voyage, une semaine à Londres, rien que vous deux, pendant les fêtes de Noel !
Tu as du mal à exprimer ta joie car tu n’en as pas. Tu restes là, inerte, abattue par cette nouvelle pendant que ton copain exulte. Il te sort des dépliants, te montre des cartes, planifie vos visites, choisit l’hôtel, organise votre séjour. Ce flot de paroles te permet de te recentrer. T’es contente ? T’as l’air bizarre, t’es blanche...C’est rien, juste ma phobie de l’avion.
Une semaine ! Loin de L bien sûr mais aussi loin de tes parents et de tes amis. Tu es prise au piège. La veille de partir, tu pleures dans les bras de ta copine de 10 ans. Tu ne veux pas y aller. Elle te motive comme elle peut en te disant qu’elle n’a pas pris de vacances depuis longtemps et qu’elle aimerait être à ta place !
L’allé.
Il sait que tu as peur de l’avion. Il ne se doute de rien. A cette peur s’ajoute la sensation que l’on t’y a jetée de force. Attachée sur ton siège, tu as envie de hurler et de t’échapper le plus vite possible. Paradoxalement, tu as honte. Tu n’es pas digne de l’homme qui est assis à côté de toi. Il a durement gagné ce voyage et toi tu es malheureuse. Le cauchemar commence.
Par le hublot tu vois s’éloigner ton amour. Tes yeux sont éteints.
Londres.
Un frois extraordinaire. De la pluie. Du vent. Du gris et encore du gris. Tout est moche. Tu es seule avec ta peine et tu dois faire semblant d’être heureuse. La chambre d’hôtel te paraît minuscule. Tu te sens à l’étroit dans le bus, dans les avenues, dans cette ville que tu tiens pour responsable de ton chagrin. Tu détestes Londres !
Heureusement les visites s’enchaînent toute la journée. Bus et marche sous la pluie. Un chemin de croix ! Le soir, malgré la fatigue, tu es toujours d’accord pour sortir, pour fuir cette chambre dans laquelle tu manques d’air. Tu as eu ta mère au téléphone. A cet instant, tu as 12 ans, tu es en colonie de vacances et tu la supplies qu’elle vienne te chercher. Allez ! Ressaisis-toi !
L t’enveloppe. Il est là. Tu sens son odeur. Il te manque affreusement. Tu n’en peux plus. Tu profites d’une soirée dans un pub pour te réfugier dans les toilettes et tu l’appelles. Tu ressors trente minutes plus tard encore plus déprimée qu’en y entrant. Tu lui manques. Il n’en peut plus. Il est à bout. Toi aussi. Sa voix si près, lui si loin. Allez ! Ressaisis-toi !
Car ici, aucune excuse, aucun stratagème pour l’éviter, aucun subterfuge. Tes repères ont disparu. Rien à quoi te raccrocher. Personne pour t’aider. Tu ne peux pas tricher. Tu fais des efforts surhumains pour paraître normale. Tu t’épuises.
Tu comptes les jours, les heures et les minutes qui te séparent de lui. Une éternité.
Le retour.
Enfin ! Tu aimes cet avion qui te libère de cette ville. Tu te rends compte que tu n’as rien vu, rien imprimé de Londres. Maintenant tu exultes. Tu as du mal à garder ton calme. Tu es tellement contente de partir, de retrouver les tiens que tu affiches un sourire infini comme le ciel qui defile.
Tu ne penses qu’à retrouver L le plus vite possible.