Elle ne voulait plus vivre ; elle le savait depuis longtemps .Elle en avait discuté une fois avec le curé du village de sa grand –mère lors d’une soirée organisée par l’association " La passerelle ".
Le pauvre homme n’avait pas réussi à apaiser ses angoisses !Elle ne comprenait pas les mots lumières, couleurs que les autres trouvaient gais et beaux , qu’ils employaient à tout bout de champ . Elle avait l’impression d’être en entier dans du gris, tout le temps, tout le temps et son espoir de guérir un jour de cette mélancolie s’était évanoui.
Ce jour là, elle faisait la vaisselle en écoutant la radio ; c’était une émission qui relatait les modifications des différentes plages de sa ville natale ; cela l’intéressa et elle prêta l’oreille avec une attention particulière qu’elle n’avait pas eu depuis longtemps .
On invitait les auditeurs à participer à un concours d’écriture ; le thème était le suivant : décrire un fait divers qui s’était passé sur une de ces fameuses plages .
Le pauvre homme n’avait pas réussi à apaiser ses angoisses !Elle ne comprenait pas les mots lumières, couleurs que les autres trouvaient gais et beaux , qu’ils employaient à tout bout de champ . Elle avait l’impression d’être en entier dans du gris, tout le temps, tout le temps et son espoir de guérir un jour de cette mélancolie s’était évanoui.
Ce jour là, elle faisait la vaisselle en écoutant la radio ; c’était une émission qui relatait les modifications des différentes plages de sa ville natale ; cela l’intéressa et elle prêta l’oreille avec une attention particulière qu’elle n’avait pas eu depuis longtemps .
On invitait les auditeurs à participer à un concours d’écriture ; le thème était le suivant : décrire un fait divers qui s’était passé sur une de ces fameuses plages .
Des souvenirs emplirent soudainement sa tête et une émotion sensationnelle
vient chatouiller son ventre . Elle ne sut pas immédiatement si elle était heureuse ou pleine de chagrin ; en revanche elle entendit cette proposition comme une délivrance.
Elle décida de se mettre à écrire, vraiment pour extirper ce souvenir lointain de bord de mer qui l’avait hélas, tant transformée .
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Sur la page morne de sa mémoire elle décrivit ses cheveux qu’ elle aimait tant caresser lorsqu’il posait sa tête sur ses genoux, contemplant le ciel toujours changeant. Les mots alors étaient inutiles, elle regardait ce qu’il voyait et se laissait envahir doucement par la sérénité qui le gagnait, apaisant son cœur comme une vague douce et tiède.
Sur la page morne de sa mémoire elle décrivit ses cheveux qu’ elle aimait tant caresser lorsqu’il posait sa tête sur ses genoux, contemplant le ciel toujours changeant. Les mots alors étaient inutiles, elle regardait ce qu’il voyait et se laissait envahir doucement par la sérénité qui le gagnait, apaisant son cœur comme une vague douce et tiède.
Puis, brusquement, il se redressait et plongeait son regard dans le sien si profondément amarré à son âme qu’ils ne faisaient plus qu’un. Alors, ils n’étaient qu’un seul cœur qui battait à l’unisson d’une même passion, qu’un seul corps qui roulait sur le sable fin enchevêtré d’amour. Elle ne trouvait pas les mots pour décrire ces sentiments qui s’emparaient d’elle à ce
moment-là, entre tourmente et plénitude, entre déraison et raison.
moment-là, entre tourmente et plénitude, entre déraison et raison.
Lorsque les premières vagues les rejoignaient, elle se laissait recouvrir par l’écume douce qui déposait sur sa peau une saveur iodée. Et quand dans un rire, elle posait ses lèvres sur les siennes, elle en gardait un goût de sel enivrant et troublant.
Elle ferma les yeux pour mieux se souvenir de ses mains sur son corps, de ses baisers qui la faisaient frémir, de ce désir qui lui nouait le ventre jusqu’à la douleur.
Alors, elle laissa tomber le crayon sur la feuille sur laquelle elle venait de coucher son passé et sécha du bout des doigts une larme qui roulait sur sa joue...
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Elle reprit ce journal tant de fois lu, pages tournées et retournées, maintenant racornies, jaunies.
Elle connaissait tout de ce torchon qu’elle haïssait ; les nouvelles nationales, les résultats sportifs, et puis cette page 4 où un journaliste, certainement débutant, faisait état d’un "fait divers", parce que banal en cette période estivale sur la côte....
" Hier, en fin d’après-midi, un homme s’est noyé à quelques encablures de la
côte. Apparemment, il aurait eu un malaise alors qu’il se baignait en
compagnie de sa jeune épouse. Celle-ci, enceinte, a tenté de porter secours
à son compagnon, sans succès. Elle fut elle-même sauvée par la diligence des
maîtres-nageurs de la plage".
Suivaient l’annonce des festivités du 14 juillet et du feu d’artifice qui serait lancé de la même plage....
Un "fait divers" qui avait tout fait basculer... A l’hôpital où elle avait été conduite, elle avait perdu son enfant. Voilà dix ans de souffrance en quelques phrases, mais elle avait du mal à
mettre sur papier la noirceur qui entourait sa vie depuis ce funeste jour... Et, pourtant elle avait vécu, avait aujourd’hui deux magnifiques enfants. Et, René qui l’avait sauvée alors qu’elle se noyait...
Elle reprit ce journal tant de fois lu, pages tournées et retournées, maintenant racornies, jaunies.
Elle connaissait tout de ce torchon qu’elle haïssait ; les nouvelles nationales, les résultats sportifs, et puis cette page 4 où un journaliste, certainement débutant, faisait état d’un "fait divers", parce que banal en cette période estivale sur la côte....
" Hier, en fin d’après-midi, un homme s’est noyé à quelques encablures de la
côte. Apparemment, il aurait eu un malaise alors qu’il se baignait en
compagnie de sa jeune épouse. Celle-ci, enceinte, a tenté de porter secours
à son compagnon, sans succès. Elle fut elle-même sauvée par la diligence des
maîtres-nageurs de la plage".
Suivaient l’annonce des festivités du 14 juillet et du feu d’artifice qui serait lancé de la même plage....
Un "fait divers" qui avait tout fait basculer... A l’hôpital où elle avait été conduite, elle avait perdu son enfant. Voilà dix ans de souffrance en quelques phrases, mais elle avait du mal à
mettre sur papier la noirceur qui entourait sa vie depuis ce funeste jour... Et, pourtant elle avait vécu, avait aujourd’hui deux magnifiques enfants. Et, René qui l’avait sauvée alors qu’elle se noyait...
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Elle se rendait compte à quel point il était délicat d’écrire ses émotions . Elle les revivait, quotidiennement depuis des années mais ne trouvait jamais les mots adéquats pour s’en emparer , les tordre, les jeter, être sauvée enfin ...
En relisant son texte, elle trouva qu’il était très poétique ; mais cette relation, l’était -elle jadis ? Pouvez-t- on encore parler de poésie avec le fait divers qui avait suivi ?
En relisant son texte, elle trouva qu’il était très poétique ; mais cette relation, l’était -elle jadis ? Pouvez-t- on encore parler de poésie avec le fait divers qui avait suivi ?
Une autre larme tomba, puis une autre, puis une autre encore et elle se retrouva à nouveau angoissée et muette .
Les mots se cachaient ces idiots ; les mots tournaient dans sa tête ; comment décrire l’horreur qui suivit les caresses, le désir, le bien -être ?
Elle renifla, essuya ses larmes et, courageuse, poursuivit malgré tout, persuadée que ce sursaut serait salvateur.
Les mots se cachaient ces idiots ; les mots tournaient dans sa tête ; comment décrire l’horreur qui suivit les caresses, le désir, le bien -être ?
Elle renifla, essuya ses larmes et, courageuse, poursuivit malgré tout, persuadée que ce sursaut serait salvateur.
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Elle entendait comme si c’était hier la tendresse de sa voix lorsqu’il posait ses deux mains sur son ventre arrondi, parlant pendant des heures de cet enfant qui allait naître, le plus beau du monde puisqu’il serait le fruit de leur amour.
Elle soupira longuement puis elle reprit le crayon, déterminée à exorciser pour de bon cette page douloureuse de son histoire :
Elle écrivit les défis toujours plus fous qu’il aimait se lancer. Elle aimait son corps hâlé qu’elle contemplait en ombre chinoise lorsque d’un geste de la main il l’invitait à le suivre au cour des eaux fiévreuses. A chaque fois, elle le rejoignait, plus amoureuse que jamais.
Mais ce jour-là, quelque chose l’avait inquiétée, un reflet à la surface de la mer peut-être. Elle consigna tous les mots inutiles qu’elle avait prononcés pour le dissuader, mais rien n’y avait fait. rien ! Entêté, il lui avait montré une bouée au large et avait décrété que s’il
parvenait jusqu’à elle, leur enfant serait un fils. Elle le regarda s’éloigner un peu angoissée mais très vite elle se rassura, il était si fort et si bon nageur qu’il ne craignait rien.
Et pourtant, soudain, elle le vit disparaître, aspiré par les flots. Il remonta encore une fois à la surface et de nouveau il fut avalé par la mer. Elle courut vers le rivage en appelant au secours. Elle se jeta à l’eau, mais elle ne put l’atteindre. Épuisée, elle regarda son amour s’éteindre à
quelques mètres d’elle.
quelques mètres d’elle.
Elle s’arrêta à nouveau d’écrire. Elle ressentait la même détresse, la même souffrance. Elle se haïssait de n’avoir pas eu la force nécessaire pour le sauver. Elle se haïssait d’avoir tout simplement survécu.
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Elle se revoit à l’hôpital, alors qu’elle avait tout perdu ! Ces images qui la hantaient..... cette forme, cette ombre grise....
Oh, on lui avait assuré que ce n’était pas possible, qu’aucun de ces prédateurs d’homme n’avait jamais été vu dans ces contrées..... Etait-elle conditionnée par l’émotion que lui avait suscitée ce film "Les dents de la Mer" ? En tout cas, aucun corps n’avait jamais été retrouvé ! Enigme sans réponse, et terreur des édiles de la cité balnéaire ! Ils avaient tout fait pour étouffer l’affaire.... Elle n’avait jamais pu réellement faire son deuil. Elle avait enterré tout cela au fond de son cœur !
Deux jours, trois jours, une semaine plus tard.... elle n’avait jamais su, un homme était entré dans sa chambre, avec un bouquet à la main. On lui a dit :"C’est le maître-nageur qui vous a
sauvé !". Elle l’a maudit, de quoi s’était-il mêlé !
Petit, quoique musclé, râblé, il n’avait rien de la prestance de son Amour !! Et puis, René était revenu, avait été gentil, prévenant même....
sauvé !". Elle l’a maudit, de quoi s’était-il mêlé !
Petit, quoique musclé, râblé, il n’avait rien de la prestance de son Amour !! Et puis, René était revenu, avait été gentil, prévenant même....
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Et, voilà qu’aujourd’hui, ce René qui a tout reconstruit autour d’elle, par qui elle a retrouvé la force de vivre et de donner la vie... Ce René là, vient lui dire qu’une enquête est réouverte, que
quelqu’un a parlé....
Et, voilà qu’aujourd’hui, ce René qui a tout reconstruit autour d’elle, par qui elle a retrouvé la force de vivre et de donner la vie... Ce René là, vient lui dire qu’une enquête est réouverte, que
quelqu’un a parlé....
Subitement, elle réalisa que la réouverture de l’enquête allait perturber davantage sa vie ; elle qui n’avait jamais voulu quitter cette ville, pensant qu’au fil du temps les vagues lui rendraient son amour sous forme d’explications, de preuves, elle se retrouvait soudainement plongée à
nouveau dans le doute ; elle supplia René de les emmener le plus loin possible de là, afin de ne plus subir les assauts de cette mémoire infernale qui lui tordaient les tripes depuis tant d’années ; afin de transformer son sentiment de honte en espérance ; afin de vivre tout
simplement .
nouveau dans le doute ; elle supplia René de les emmener le plus loin possible de là, afin de ne plus subir les assauts de cette mémoire infernale qui lui tordaient les tripes depuis tant d’années ; afin de transformer son sentiment de honte en espérance ; afin de vivre tout
simplement .
Il comprit à son regard terrifié qu’elle n’était pas prête à entendre une fois de plus les détails tragiques supposés ou réels de ses propres souvenirs.
Il sortit en vitesse de l’appartement sans explication , en ayant soin de caresser toutefois sa longue chevelure et se dirigea vers l’agence de voyage la plus proche ...
Il entra et dit :
- S’il vous plait ...
- S’il vous plait ...
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- Bonjour Monsieur, vous désirez.
- Je voudrais deux billets pour Miami.
- Bien sûr Monsieur, pour quelle date ?
- Je ne sais pas. Le plus tôt possible… Demain ?
- Ah non je suis désolée, il n’y a plus aucune place sur les vols de demain. Mais je peux vous proposer deux places jeudi à 15h25.
René se ravisa. Il pensa que de toute façon il ne pourrait pas partir, la police allait vouloir l’interroger à nouveau, il était le sauveteur, le courageux maître nageur qui avait sauvée d’une mort certaine cette jolie jeune femme qui aujourd’hui était sa compagne. Il sourit à l’employée derrière son écran d’ordinateur, s’excusa et sortit.
Il n’avait pas tort, en rentrant, il trouva un vieil inspecteur chez lui en train de discuter avec son épouse. Sur la table une photo était posée. Nathalie avait les yeux rouges et serrait si fort entre ses doigts un mouchoir que les veines de ses poignets étaient saillantes. Son regard croisa le sien, haineux, dur et glacé. Sur l’instant il ne comprit pas, enfin… il ne voulut pas comprendre mais au fond de lui, il savait très bien ce que la police avait découvert.
L’inspecteur se leva et se dirigea vers lui, alors devançant les questions qu’il lui poserait sans aucun doute, René se décida à tout raconter .
Il expliqua comment la desensableuse dont le tuyau avait été mal positionné avait aspiré Michel et comment ils l’avaient retrouvé lui et son équipe, inconscient, entre la vie et la mort. Il avait tout de suite appelé le maire qui déterminé à passer sous silence ce « regrettable incident » le fit hospitaliser sous une fausse identité. Le jeune homme resta dans le coma pendant presque un an et à son réveil, il avait perdu la mémoire.
Depuis, installé dans une ville voisine, il avait vécu son amnésie comme on porte une croix recherchant son passé dans les archives journalistiques. Trois mois avant ce jour, il avait lu dans la rubrique « faits divers » une chronique sur la noyade accidentelle d’une jeune homme et le drame de sa jeune épouse. Inexplicablement cet article l’avait marqué plus que tous les autres puis peu à peu au fil de bribes de rêves s’imbriquant les uns dans les autres comme les pièces d’un puzzle, il s’était souvenu de son histoire.
René pour sa part, s’était tu pendant toutes ces années, souvent il lui était arrivé de vouloir tout avouer à son épouse mais la peur de la perdre, la peur de lire dans ses yeux ce qu’il y avait lu tout à l’heure l’avait à chaque fois fait renoncer.
Il s’approcha d’elle et voulut lui prendre la main et lui demander pardon. Mais elle le repoussa violemment, face à lui, entre larmes et sanglots elle lui jeta à la figure les années de trahison, ce deuil qu’elle n’avait jamais pu faire mais qui l’avait rongé, usé jusqu’à avoir eu envie de se donner la mort à plusieurs reprises. Toutes ces années gâchées, tout ce bonheur qu’il lui avait volé par son silence.
Quand la police emmena René, elle se sentit seule, encore plus seule qu’aux pires moments de son existence. Perdue, désemparée, elle se sentait abandonnée et salie.
Elle n’avait plus maintenant qu’une seule envie : revoir Michel.
L’inspecteur lui avait assuré qu’il organiserait une rencontre dés le lendemain entre elle et lui. Mais elle était terrifiée à l’idée qu’il ne la reconnaisse pas ou qu’il ne lui pardonne pas et en même temps malgré sa colère, malgré sa douleur une petite lueur d’espoir venait de s’allumer enfin dans son âme et sa vie s’habillait de couleurs.