J’ai installé une toile blanche de coton sur la petite table où j’aime travailler et placé mon pot de pinceaux à ma droite. La palette était toute propre et attendait mon dialogue, tranquillement. Les tubes de peinture savaient qu’ils allaient dire quelque chose.
J’ai pris le bleu azur et l’ai fait parler avec une pointe d’eau. Le ciel allait être sans nuage, ou peut-être chanceux de n’en porter qu’un seul. Je ne savais pas ce qu’il allait vivre et sentir. Je savais seulement qu’il allait parcourir sans connaitre de mélancolie. Il a pris une telle place, de haut en bas, de gauche à droite, puis au centre de tout. Je l’ai laissé discourir dans tous ses états. Il était une fenêtre splendide. Un espace d’intimité.
J’ai pris le rouge carmin et l’ai fait mûrir avec une touche de jaune. L’orange a brûlé de tendresse absolue, dans des cercles de feu plein de gaieté, comme un bel avenir. J’ai écouté ses couches, pleines de reliefs chaleureux et laissé aller le pinceau rencontrer le cœur. Un pollen sucré a ouvert ses yeux dans une attente sereine.
J’ai pris le rouge vermillon et l’ai fait briller avec une perle de bleu cobalt. Les pétales de la nuit ont ouvert leurs feuilles, tout autour d’une pensée offerte aux visiteurs du soir. Les teintes mêlées donnaient leur suc de plaisir, sans forcer leurs traits.
J’ai pris le jaune et l’ai fait doucement frôler le bleu, dans l’esprit d’une entrée en matière. Il ne fallait rien précipiter, juste écouter leurs murmures pour que la magie opère. Des triangles se sont formés, comme des traces de vie. Chaque côté avait sa particularité, dans la démesure de l’ordre qu’il recherchait.
Et puis, tu m’as appelée. Quand le téléphone a sonné, j’ai tout de suite su que c’était toi. Dans la hâte, je t’ai couvert de fruits...