Parmi la foultitude d’objets offerts à mes yeux pour être regardés, humés, caressés…
Un seul, le seul ! Mon objet à moi était là.
Je l’ai ressenti au plus profond de mon corps. Mon enfance !
La plus belle période de ma vie, l’école primaire, les jeux à la récré, le gros marronnier au milieu de la cour.
Le temps où tout était simple, innocence, pureté.
Où il suffisait de se laisser vivre, où les instituteurs étaient comme des seconds parents, et où les parents vivaient encore pour m’aimer, me rassurer.
Un banc, un simple banc en bois, avec l’abattant qui se lève quand j’avais envie de rire, de me cacher du professeur ou de me mettre à l’abri, de plonger dans une sorte de cocon.
C’était aussi mon coffre à trésors où j’accumulais tous les gadgets chers à mon cœur, cachés sous les cahiers dont l’odeur d’encre me ravissait.
Rien que le fait de me glisser entre le banc et le pupitre me donnait le sentiment d’être à l’abri, en sûreté.
Tremper ma plume dans l’encrier qu’une des élèves venait de remplir, commencer un premier mot sans faire le fameux pâté du trop-plein d’encre.
Avoir ma meilleure amie à côté de moi, dans le même refuge.
Le tumulte apaisant des chuchotis des élèves, des cartables qui s’ouvrent, des livres claqués, le bruissement des feuilles tournées rapidement.
Le crissement de la craie au tableau, le nuage de poussière blanche lorsque le chouchou de la classe avait le privilège d’effacer, d’un coup d’éponge, toute la leçon précédente pour passer à autre chose…
Que de souvenirs doux sont attachés à ce banc de bois.
Le bois, la matière la plus noble de la terre, plus précieuse pour moi que l’or.
Le bois, chaud, vivant, protecteur comme les arbres qui me prennent sous leur aile immense et déployée, qui dressent fièrement leur tête vers le ciel.
J’aurais aimé connaître l’artisan qui l’a façonné de ses mains, avec, je suppose, j’imagine et j’espère tout l’amour que l’artiste donne à son œuvre.
Mon rêve est là, devant mes yeux, redevenir pour quelques temps une fillette heureuse, naïve, sans autre souci que de recevoir une bon point, de trouver « qui veut jouer avec nous » à la récré.
Ce banc, un bonheur d’enfance qui aujourd’hui m’a fait revivre un moment intense de douceur, de sérénité.
Merci à toi, objet inanimé mais vivant de mes souvenirs heureux !