l’été est chaud et sec Nânette achâlinaé ( fatiguée) car peu habituée à ce temps, rêvasse. Elle n’a point envie de sortir faire ses courses, le soleil risque de lui griller sa peau trop blanche et pourtant il lui faut bien acheter de quoi manger. L’’ houme (homme )aura faim après ses travaux de champs la laissant au ménage et s’occuper des petits. Nânette a tréjous étaé d’excaès quoeurue à la tâche ( a toujours été très courageuse) ne se plaignant jamais mais aujourd’hui Nânette en a marre, elle aimerait béguenaôdaer ( flâner ) de temps en temps en ville, faire les boutiques à la recherche d’une belle tenue pour plaire à son époux. Il ne lui a jamais dit s’il l’aimait ou non, elle pense qu’il l’a épousée pour sa dot, eh oui ! il y en a encore malgré qu’on se trouve au début du vingtième siècle. S’il est grichu ( peu aimable) Il n’est point querne ( méchant ) de temps en temps il cueille un vamoque (coquelicot) et lui offre en rentrant de ses labeurs mais il n’aime pas la voir launtounyi ( traînasser) Tout doit prêt, propre et les enfants couchés lorsqu’il rentre, c’est ce qu’elle a toujours fait car elle a eu un coup de foudre en le voyant, grand, brun, costaud. Ce qui dérange Nânette c’est qu’il parle très peu voir pas du tout pendant leurs petites affaires la nuit, elle aimerait tant qu’il lui dise des petits mots doux dans ses moments d’extase.
- Ce n’est pas tout, il faut que j’y aille . Se dit-elle. Elle se vet de sa plus belle robe,pose son chapeau du dimanche sur ses cheveux blonds, trop bouclés à son goût, elle se regarde dans le miroir de l’armoire, cadeau d’épousailles. Ce qu’elle voit, n’est pas elle, elle ne se reconnaît pas. Si son corps s’est élargi sous les naissances, six enfants en dix ans dont des jumeaux, Ol a d’graunds urs* souos sa capelène( Elle a de grands yeux sous son chapeau) mais son visage sans maquillage est élingui (maigre ), effabi ( pâle). Il faudrait que je me repose se dit-elle mais quand ? Je n’ai pas une minute à moi. Est-cela la vie ? Trimer toute la journée, gosses à élever, cuisine, ménage, à catouns ( à quatre pattes) pour cirer les sols, déféchounaer ( débarrasser) les coins de toiles d’araignées , lessive dans les baquets ,repassage et ... Le miroir lui révèle tout ça et cela lui fait peur << il se trompe, ce n’est pas moi, moi, je suis jolie, mes parents me l’ont toujours dit, alors pourquoi ?>> se dit-elle débâochie ( désemparée).
- Noum de zo ( juron qui équivaut à nom de Dieu) Que fais tu là devant ce mireus( miroir) ? Tu n’as donc rien à faire ? on dirait oun barasseine (coquette maniérée).
Nânette est toute génée, elle ne l’a pas vu venir et pourquoi si tôt ? D’habitude, il est aux champs.
- Tu as oublié quelque chose ?
- Tu n’as pas vu qu"I tumbe des pyiches dé chent sous" (il tombe des pièces de cent sous) ? Cela va faire du bien mais pour aujourd’hui, fini les champs . J’ai faim, je prendrai bien une collation .
- Euh ! Je n’ai pas fait de courses ...
- Bon, comme tu es brave, que tu a byin de la minsère( a bien de la misère) et je ne peux plus rien faire aujourd’hui , je t’amène mais sache que cela ne sera pas tous les jours ainsi.
- Merci