Peut-on se former au bonheur, s’auto-former à lui ?
Peut-être.
Mais alors qui est « moi » dans l’auto « d’auto-former » ? Qui est « moi » par rapport au bonheur, finalité d’un écho ressenti par rapport aux autres, à l’environnement, à une dimension temporelle ; toutes choses par définition changeantes, voire fuyantes ?
Autrement dit, peut-on se former à l’acquisition d’un état ressenti comme une parfaite plénitude intérieure que je qualifie d’état de bonheur en faisant abstraction de l’eco (l’environnement) ou de l’hétéro (les autres) tels qu’abordés par Gaston Pineau (1) ? D’ailleurs ce dernier, au travers de ses propres histoires de vie, a été amené à s’interroger sur un concept : celui de ne pas prendre la vie comme unité temporelle mais en prenant la journée de 24 heures avec ses rythmes circadiens et biologiques, ses alternances des heures de jours et de nuits. Le jour est rythmé par les contraintes imposées par les autres, c’est l’hétéro-formation alors que la nuit on prend davantage son temps pour la formation, c’est l’auto-formation. Le temps n’est plus au singulier, mais au pluriel, il y a pluralité des temps et donc des contre-temps existent. G. Pineau parle de « temps subjectif » qui associe la temporalité à l’individu qui a à gérer ces temps, ces moments d’existence qui lui appartiennent en propre.
Pour répondre à mon interrogation, existe-t-il une propension « d’heureusité » (mot que j’invente), c’est à dire une capacité intérieure à être heureux malgré la relation sociale à l’autre, au monde, qui peut être perturbatrice ou subit à un instant donné ?
Cette capacité me semble exister, en chacun, dès lors que le sujet social qu’est l’individu s’accommode plus ou moins de son environnement. Et c’est bien là, à mon sens, que se trouve la difficulté. L’individu reste sujet d’un état ressenti comme subit s’il s’accommode « DE » son environnement voire le rejette ; alors qu’il est acteur de l’accroissement de son « heureusité » s’il s’accommode « A » son environnement. Autrement dit, s’il participe activement à la mouvance sociale commune au groupe que l’on appelle époque, l’individu peut trouver le bonheur tel que défini plus haut. Serait-ce de l’optimisme de le penser ?
Si cet état « d’heureusité » est latent en chacun de nous, je le rapprocherais des besoins d’estime et de réalisation étudiés par Maslow.(2) Et de fait, s’il s’agit d’un besoin, ne pourrait-il être satisfait jusqu’à être assouvi dans son champ de temporalité ? Ainsi, quid des méthodes véhiculées par les médias écrits, visuels, audio ou encore les batteries de tests et autres coachs personnels, s’ils ne tendaient ou prétendaient à révéler, favoriser puis accroître l’estime de soi et donc à pointer « l’objectif bonheur » au moyen de formation ou d’auto-formation ? Et à supposer que j’aspire puis atteigne, par l’usage de ces méthodes à la plénitude intérieure du bonheur, qu’en est-il de mon « auto », mon moi que je ne peux dissocier de l’écho aux autres car ils sont la représentation que je me fais de moi par rapport à eux ; ces autres sont réflexifs tandis que j’impulse l’élan que j’attends en écho pour alimenter mon bien-être ; « mon re-senti » (re mis en évidence pour le reflet que les autres renvoient de moi) assurant la plénitude, rassurant au fait qu’une petite dose de formation à l’estime de soi balaiera le doute de la représentation bonheur s’il venait à s’immiscer en moi !
Et quid de l’usage de ce bonheur si nous oublions la part « d’heureusisation » (mot que j’invente aussi), c’est à dire la propension à être heureux dans l’accomplissement de soi, que nous aurons pressentis comme une attente chez les autres comme en nous même, pour peu que nous soyons altruistes et non égoïstes ?
(1) Gaston Pineau a participé à l’émergence de différents ”chantiers” temporels : histoire de vie, alternance, auto-formation, co-formation et éco-formation. Il est co-fondateur de l’Association Internationale des Histoires de Vie en Formation (ASIHVIF).
Il est actuellement Professeur à l’Université de Tours François Rabelais.
Définition des Histoires de Vie, d’après Gaston Pineau : « une recherche et une construction de sens à partir de faits temporels personnels et collectifs ». Toujours selon lui, c’est aussi une « révolution paradigmatique, en reconnaissant à l’homme ordinaire des capacités de conscience critique, d’initiative et d’action historique, et donc de partage avec des rapports de pouvoir-savoir sur la vie. »
(2) Abraham Maslow (1er avril 1908 - 8 juin 1970) est un psychologue célèbre considéré comme le principal meneur de l’approche humaniste, surtout connu pour son explication de la motivation par la hiérarchie des besoins, qui est souvent représentée, à tort, par une pyramide des besoins.