Elle m’a appris que savoir, c’est différent de connaître. Connaître, c’est comme une grosse pierre plate tandis que savoir, c’est un frisson qui vous traverse le corps. Savoir brûle en nous. Avant, j’étais comme vous. Je pensais que l’ignorance me protégerait. À présent, je sais.
Le temps n’a pas eu raison d’elle. Malgré son grand âge, elle a su rester belle et, bien que cela vous étonne, elle est coquette, elle aussi. Son regard sombre et profond attire et met en confiance quiconque le croise. Sa bouche est un mince trait rose fané, son sourire impérieux. Quand elle s’est avancée vers moi, elle m’a semblé portée par les airs. Un mystère l’habite. Un mystère l’entoure. JE ne pourrais vous dire d’où lui vient son élégance et l’impression de légèreté qui l’accompagne. Peut-être est sa robe noire, entièrement composée de voiles qui flotte autour d’elle ?
Elle n’est pas naïve. Elle sait que chacun sent sa présence avant même de l’avoir vue. Pourtant elle essaie d’être dicrète. Elle marche sans bruit et parle peu, très peu. À quoi bon parler à quelqu’un qui sait par avance ce que vous aller lui dire. Peu de choses se disent chaque jour, vraiment très peu. Peut-être ne parle-t-on que pour enfin commencer à entendre.
Très peu d’entre vous iraient vers elle ; par peur ? Ecoutez et faites-moi confiance. Je vais vous dire qui elle est. Quand certains souhaitent la rencontrer, on les en dissuade. Parfois ils y arrivent, à lui parler, mais l’entretien n’est jamais très long. Parfois, quelqu’un s’arrête et l’attend sur le bord du chemin, mais on lui conseille de continuer sa route. Le plus souvent, c’est elle qui trouve l’autre. C’est toujours pareil : après un premier regard, inquiet, l’autre se détend. Parfois il semble soulagé. Parfois il s’interroge. Parfois même il hésite et elle le rassure de sa voix impérieuse : "C’est moi qui décide, tu ne le sais pas ?". Toujours, l’autre la suit, en silence, la paix à l’âme, car il siat que le monde disparaitrait sans elle. Sans elle, la Grande Dame Noire.