Elles s’étaient posées sur le sol ddu désert, juste à l’endroit ou il avait disparu du regard de son ami dessinateur de moutons..
Majestueuses et grises, les ailes ourlées de noir, elles remontaient vers le nord..
Il s’approcha d’elles.
-Vous n’êtes pas des moutons .
-Non, nous sommes des Bernaches et nous repartons vers le Pays du froid où le printemps arrive pour y poser nos ventres et leur précieux fardeaux.
-Dessinez moi le pays du froid.
-Nous ne savons pas dessiner dirent-elles, puis affolées par cette question elles s’en allèrent en tous sens en cancanant leur émoi.
Leur chef, une belle oie plus grosse et plus âgée que les autres s’approcha alors de lui.
-Qui es-tu ? Tu comprends le langage des oiseaux.. C’est chose rare chez les hommes, sais-tu ?
-Je ne suis pas un homme, je suis le petit Prince et je voudrais rentrer chez moi..
-Si nous pouvons t’aider, petit Prince, nous le ferons sans difficulté. Où habites tu ?
-Loin.. au delà des étoiles, sur la planète M 31..
-Ah.. je dois consulter mon conseil car aux bernaches rien d’impossible, même les voyages intergalactiques, mais je ne puis prendre de décision ainsi, tu comprends ?
-Oui. .. Un instant... J’ai rencontré durant tout mon voyage des êtres si seuls que je suis étonné d’entendre ce mot.. Cela veut dire quoi.. se consulter ?
-Cela veut dire .. discuter, avant de prendre une décision..
-C’est beau, dit le petit Prince émerveillé de cette nouvelle fraîche comme une rose.
Il les regardait. Elles s’étaient éloignées, probablement pour qu’il n’entende pas le verdict. Voilà des êtres infiniment délicats, se dit le petit Prince.. Leur cercle était mouvant, une oie en quittait parfois la perfection géométrique pour réfléchir à l’écart.
Elles finirent par se rassembler et leur chef s’avança alors vers lui.
- Voilà, petit Prince, nous allons nous séparer en deux groupes. Les femelles doivent à tous prix rentrer au Pays du froid pour poser le fardeau de leur ventre, mais elles seront accompagnées par les plus jeunes des mâles. Nous allons te ramener sur ta planète, nous serons sept à nous relayer car le voyage sera long. Mais n’aies crainte, nous avons déjà exploré l’espace, sans que quiconque le sache et j’ai déjà en tête le plan de vol. Es tu prêt à quitter cette planète-ci ?
Le petit Prince pensa avec mélancolie à son ami.. A la douceur de leurs échanges, à ses dessins et au boa.
Il regarda le sable, puis se penchant en prit une poignée qu’il logea en souvenir dans sa poche...
Une larme eut envie de couler le long de sa joue mais s’arrêta pudique au bord des cils pour ne pas faire peur à ses lèvres.
-Je suis prêt.
-Bien. Monte sur mon dos, petit Prince et accroche toi très fort à mon col, nous allons nous envoler en direction de ta planète. Couvre bien ton cou de ton écharpe , nous ferons escale sur une planète au milieu du chemin.
-Il y avait une autre planète entre la mienne et celle-ci ? Je ne l’ai pas vue !
-Ah.. c’est une planète très mystérieuse. Qui change sans cesse de place car elle a un peu honte de histoire. Accroche- toi, petit Prince.
L’oie cendrée courut, courut, puis battant de ses ailes puissantes laissa derrière elle le désert et ses silices à peine rincés des eaux de la nuit. Le petit Prince entendait le doux froufrou des rémiges savantes froissant l’air pur . Il sentait contre sa peau battre le cœur chaud de la bête toute tendue vers l’avenir aux étoiles scintillantes. Elle monta, presque à la verticale, entraînant derrière elle dans un magnifique V ses six compagnons de voyage dont les cœurs et les ailes battaient au même rythme que le sien.
Il se pencha en arrière pour admirer une dernière fois cette boule un peu cabossée, mélange de bleu, de vert et d’ocres où il avait fait la rencontre la plus douce de sa vie de Petit Prince et dont il remportait un souvenir de sable et deux animaux qui vivraient sur sa petite planète .
Le froid de la nuit spatiale gagnait petit à petit ses bras, ses jambes..
-Dors, tu ne sentiras pas le temps passer, nous t’avertirons lorsque nous serons en vue de la Planète Grise...
Rassuré par la voix tranquille de l’oiseau qui filait droit devant lui, d’un vol aussi calme que les dernières bulles d’écume venant s’échouer sur une plage, il laissa son visage reposer contre le cou tiède et ferma les yeux..