Le vingt cinq mai mille neuf cent quatre vingt dix huit. Au sud du Laos. Près d’Attapeu. Au Vat Si Sacket.
« Je suis maître Tahn. Ton mentor. Est-ce qu’on t’a expliqué, pourquoi tu es ici ? »
« Pour prendre des vacances ! » Dit l’enfant en s’esclaffant. Elle à onze printemps et déjà tant de pourvoir.
« Pour prendre des vacances ! » Dit l’enfant en s’esclaffant. Elle à onze printemps et déjà tant de pourvoir.
« Je rigole monsieur. En faite ma mère a voulu que je vienne chez vous, pour apprendre. Enfin, c’est ce qu’elle m’a dit. »
« Et toi qu’es-ce que tu crois ? »
L’enfant se précipite sur la réponse.
« Et toi qu’es-ce que tu crois ? »
L’enfant se précipite sur la réponse.
« Elle veut me protéger. Elle a peur pour moi ! »
Ses petites mains maigres et blanches se collent sur sa bouche. Ses grands yeux verts me regardent avec surprise. Comme si elle venait de prononcer un mot interdit. Avoir tant de pourvoir et si peu confiance en soi. Je ne peux m’empêcher de sourire. Quel étrange enfant.
« Il ne faut pas avoir peur des mots, ma petite. Un jour ils seront ton arme. On peut vivre dans une maison exiguë, on ne peut pas vivre avec une âme angoissée. Assume ce que tu dis ! »
« Mais si j’ai tort dans ce que je dis monsieur ? »
« Alors apprend à maîtriser les mots. La parole doit être vêtue comme une déesse et s’élever comme un oiseau. »
« Mais si j’ai tort dans ce que je dis monsieur ? »
« Alors apprend à maîtriser les mots. La parole doit être vêtue comme une déesse et s’élever comme un oiseau. »
Je suis maître Tahn. Comme tout bonze ancien, j’enseigne mon savoir aux plus jeunes. Mon pouvoir est celui d’exorciser les démons. Mais pas de les tuer. Ma religion me l’interdit.
Aujourd’hui, Bouddha, j’accepte ce nouveau fardeau que m’offre la providence. Faire de cette petite fille une tueuse démon.
Aujourd’hui, Bouddha, j’accepte ce nouveau fardeau que m’offre la providence. Faire de cette petite fille une tueuse démon.
Le soleil se lève sur le Mékong. Les rayons imprègnent les eaux et le rivage. Peu à peu le fleuve reprend son bleu habituel. Les jacinthes se balancent au gré d’une brise matinale. Les chiens sauvages, maigres et galeux se battent déjà au réveil.
Assis sur la rive de sable doré, l’enfant dort, recroquevillée en boule. Je l’ai veillé toute la nuit. Elle ne le sait pas encore.
Lentement elle ouvre les yeux et se lève. C’est une enfant craintive. Daphné ne prend jamais le temps de s’étirer ou de rester au lit, toujours sur le qui vive. Prête à se battre, pour survivre.
Un regard de sa part et déjà un flot de questions non exprimées traverse l’espace. Ses yeux si verts en amandes, savent tout dire.
Un regard de sa part et déjà un flot de questions non exprimées traverse l’espace. Ses yeux si verts en amandes, savent tout dire.
« Daphné, pourquoi n’es-tu pas restée dormir au temple hier soir ? »
« J’aime bien dormir dans la nature des fois, Maître Tahn. Vous êtes resté toute la nuit à mes côtés ? »
« Oui toute la nuit. Pourquoi es-tu allé dormir dehors ? Qu’est-ce qui s’est passé au temple ? »
« C’est la statue du Bouddha. Celle avec le Naga dans la cour… »
« Qu’a fait la statue, petite ? »
« Le Naga, il est vivant ! Il a dit que Bouddha ne veut pas de moi. Parce que mon destin c’est de tuer. Et que personne ne veut des assassins. Il a juré de protéger le temple de gens comme moi ! »
« J’aime bien dormir dans la nature des fois, Maître Tahn. Vous êtes resté toute la nuit à mes côtés ? »
« Oui toute la nuit. Pourquoi es-tu allé dormir dehors ? Qu’est-ce qui s’est passé au temple ? »
« C’est la statue du Bouddha. Celle avec le Naga dans la cour… »
« Qu’a fait la statue, petite ? »
« Le Naga, il est vivant ! Il a dit que Bouddha ne veut pas de moi. Parce que mon destin c’est de tuer. Et que personne ne veut des assassins. Il a juré de protéger le temple de gens comme moi ! »
L ‘enfant est en colère. Son visage maigre laisse ressortir les contractions de sa petite mâchoire. Ses poings sont serrés comme prêts à frapper. Je me tais et attends la suite.
« Vous ne m’avez rien dit, Maître, pour le Naga. Pourquoi ? »
« Parce que tu ne me l’as jamais demandé. »
« Mais il a promis de tué mon frère. Si jamais il venait me rendre visite. »
« Ton frère ne viendra pas te rendre visite. Le Naga est un esprit neutre, qui aime tester les êtres humains. Celui qui refuse de répondre à ses provocations, gagne son respect et sa protection. N’oublie jamais Daphné si tu ne peux le combattre, embrasse ton ennemie. »
« J’ai échoué Maître comme toujours. Vous feriez mieux de m’abandonner. »
« Parce que tu ne me l’as jamais demandé. »
« Mais il a promis de tué mon frère. Si jamais il venait me rendre visite. »
« Ton frère ne viendra pas te rendre visite. Le Naga est un esprit neutre, qui aime tester les êtres humains. Celui qui refuse de répondre à ses provocations, gagne son respect et sa protection. N’oublie jamais Daphné si tu ne peux le combattre, embrasse ton ennemie. »
« J’ai échoué Maître comme toujours. Vous feriez mieux de m’abandonner. »
Je regarde cette enfant, si petite et si touchante à la fois. A son âge je n’entendais pas le Naga. A son âge, je jouais au bord du Mékong avec mes camarades.
« Aujourd’hui est un nouveau jour. Il n’est jamais trop tard. Viens, Daphné. »
Je lui tends la main. Elle hésite.
Je lui tends la main. Elle hésite.
« Allez, viens. Les autres enfants au monastère ont demandé après toi. Tes camarades Lan et Moun ton chercher partout hier !
Ce matin vous pourrez aller donner ensemble le bain à l’éléphant sacré. »
Un sourire se dessine sur les lèvres sèches de la petite fille.
« Oh oui ! »
« Oh oui ! »
Emilie.K