20 h. Le soleil est couché depuis plusieurs heures, je n’aime pas ce changement d’heures qui me donne l’impression que l’hiver est arrivé alors que nous ne sommes qu’en automne.
Il a fait beau, les quais de l’Odet étaient emplis de promeneurs baguenaudant en se tenant par la main, de marcheurs pressés entre deux rendez-vous, d’enfants babillant dans les poussettes, de flaneurs tournant leur visage vers le soleil entre deux gorgées de café à la terrasse du Café des Arts.
Une journée bien remplie, me dis-je en m’asseyant dans mon fauteuil après le repas du soir. Mon bras se tend vers la tablette à côté de mon accoudoir. Mes doigts se saisissent de mon "KnitBook" (comme je l’appelle) et de mon crayon à papier. Allons revoyons un peu les notes que j’ai prises hier en débutant mon nouvel ouvrage aux aiguilles. Je dois encore calculer où je vais placer le motif de torsades dans le dos, les manches et les devants pour qu’ils s’accordent harmonieusement.
J’aime à choisir la forme d’un gilet ou d’une veste en accord avec mon échantillon et y ajouter ma touche personnelle. Un plaisir des neurones et du regard de mon homme lorsque je le lui offre.
Plongée dans mes calculs, le crayon tournant entre mes doigts, la calculatrice posée en équilibre sur ma cuisse, évadée dans mon monde tricotesque, je n’entends plus rien autour de moi. Non que je dédaigne le calcul mental, mais le soir, les règles de 3, traduire les rangs en mailles et les mailles en cm ... mon cerveau se focalise plus aisément sur l’ensemble et l’harmonie esthétique, et puis, perfectionniste, je cherche toujours à ajuster tous les détails, donc, lorsque mon homme pose ma tasse d’infusion fruitée sur mon petit sous-mug mouton, je sursaute.
Désolée, ma chérie, me dit-il, je ne voulais pas te faire surprendre.
Pas grave, je me demandais si les "cables" par rapport à ma gauge, au niveau de la séparation des sleeves avec le reste du corps, ce ne serait pas trop serré. Peut-être que je devrais rajouter quelques stitches pour que les armholes aient un peu plus de positive-ease.
Il me sourit malicieusement car s’il comprend les mots en anglais puisqu’il est presque bilingue, les relier à leur signification pour le tricot reste pour lui un exercice quasi impossible. Aussi, me répond-il : "et la marmotte, elle met le chocolat dans le papier d’alu .... " je ris et lui traduis : je me demandais si les torsades, au vu de mon échantillon, au niveau de la séparation des manches avec le reste du corps, ce ne serait pas trop serré. Peut-être que je devrais rajouter quelques mailles pour que les emmanchures soient plus amples.