Comment commence t on ce genre de lettre ?
Je me rappelle avoir écrit ça sur un de mes textes, tu l’avais commenté et tu m’avais encouragée à me bouger pour obtenir ce que je voulais. Oh, bien sûr tu l’avais dit de manière bien plus poétique, bien plus délicate. Tu trouvais toujours les mots. Tu savais toujours faire taire mes doutes. Tu me montrais les tiens, pudiquement, presque au hasard, comme juste pour me dire « regarde, c’est normal de ne pas savoir quoi faire, j’ai été comme ça, je le suis toujours. La vie, c’est aussi hésiter. »
Quelle injustice, dis moi, fait qu’on ne trouve les mots pour remercier que quand l’autre ne sait plus les lire ? Qu’on ne sache prononcer ce si petit mot, merci, que quand il est trop tard ? Tu ne sauras jamais le vide que tu as laissé. Je peux presque t’entendre protester, toi qui n’avait aucune idée de l’importance que tu avais dans nos cœurs. Toi qui n’a jamais eu aucune idée de l’importance que tu avais dans mon cœur.
Aujourd’hui, regarde. Moi, je suis partie dans mon Erasmus, dans cette Espagne que tu bouillais de m’entendre te raconter. C’est toi qui m’a poussée à partir, tu te rappelles ? C’est toi qui m’avais convaincue, avec ton éternel enthousiasme, avec tes paris au milieu de nulle part. Chiche...! que tu disais toujours ! J’ai grandi, tu sais. Je suis devenue plus femme, plus adulte que celle que j’étais. J’aime à croire que je n’ai pas perdu les rêves que tu aimais chez moi ; j’aime à espérer que si tu me regardes, de là en haut, tu es fier de moi.
Et tu ne sauras jamais rien de tout ça. Je ne t’aurais jamais raconté ma sortie de cette histoire d’amour désastreuse, je ne t’aurais jamais raconté à quel point je suis heureuse maintenant. Toi qui a tant veillé sur moi, s’il y a une justice quelque part, que quelqu’un fasse en sorte que tu m’entendes !
Que quelqu’un fasse en sorte que tu entendes. Que tu entendes que, quelque part, tu as été le père que j’avais toujours cherché, même si je ne te l’ai jamais dit. Que tu entendes que tu manques ici bas, tu manques terriblement. Que, juste une fois, une dernière fois, je reçoive un message de toi me demandant ce que je fais, quelle est celle que je deviens, quelles sont les émotions que tu as ressenties dans mon dernier texte et que je puisse sourire une nouvelle fois à l’évocation de ton nom.
Ce soir, j’irai m’asseoir au bord de la plage, écouter les vagues s’échouer sur la grève ; et ce si petit mot que je n’ai jamais eu l’occasion, ou le courage, de te dire, je le murmurerai à la mer. Comme je l’ai fait depuis cet abominable jour à Bruxelles quand j’ai fermé les yeux à m’en faire mal aux paupières, puis les ai ré-ouverts lentement, en souhaitant de toutes mes forces avoir rêvé ce gros titre en page d’accueil. Et je me dirai que les poussières de toi qui flottent encore en ce monde m’entendent, quelque part, et que tu sauras un jour tout ce que tu as fait pour nous ici bas. Tout ce que tu as fait pour moi ici bas.
Merci.