On dit toujours « fermez vos cœurs avec plus de soin que vos portes. »
On croit toujours le faire.
On croit toujours qu’on est prêts, qu’on est verrouillés, l’âme résolument mise en garde contre les aléas de ces sentiments qui veulent nous emporter. On est comme les réfugiés blottis au fond de l’abri, pensant toujours être prêts pour l’arrivée de la tornade.
On croit toujours tout contrôler.
Puis arrive la tornade, arrive l’ouragan, et devant cela il n’y a rien à faire, simplement à regarder votre vie s’écrouler autour de vous en vous disant que c’était bien la peine de tout verrouiller, puisqu’il suffit d’un instant pour que tout disparaisse. Car arrive la tornade, et l’abri s’envole, et avec lui toutes vos certitudes, vos assurances, vos raisons et vos torts. Vous êtes là, nu dans la tempête, et il n’y a rien à faire que fermer les yeux en espérant vous retrouver encore vivant là, le lendemain. Perdu à jamais dans l’éternité qu’esquisse la chute.
Puis l’aube se lève, et vous voudriez croire que ce n’a été qu’un rêve. Mais les dégâts de l’ouragan sont toujours là, votre âme est déserte, emplie d’une seule chose, le souvenir de la tornade et de l’essor qu’a pris votre cœur à cet instant précis, l’instant où elle dévastait votre vie ; comme un oiseau aux ailes trop longtemps entravées qui découvre brusquement l’étendue du ciel et croit, ne fut ce qu’un instant, que ce ciel est à sa portée.
Puis, plus tard, viennent le doute, l’absence, l’attente ; l’abri qu’il faut reconstruire, l’horizon qu’on guette malgré nous, à l’affût du retour de l’ouragan, l’horizon qu’on scrute à s’user les yeux et le cœur dans cette attente trop souvent vaine, l’attente de l’éclair, de la bourrasque, l’attente d’un écho, un simple écho pour vous prouver que vous n’avez pas rêvé.
Que les débris de votre vie, étalés le long de votre route, le long de la plaine, ont connu une fois l’envol de la tornade, magnifique et désespéré.
Que vous avez su ce que c’était qu’aimer.