Rouge de confusion, telle une révolution manquée. Elle brandissait la pancarte et bêchait son jardin. « Je ne dérangerai personne », et surtout pas les voisins… « Ne rêve pas », lui avait-il dit, « La réalité, c’est autre chose qu’un rêve… ».
Il lui sapait le moral du matin au soir, lui avait dit un jour à propos de ses géraniums : « Laisse ça pour plus tard. On plantera des carottes quand on sera vieux ». Elle n’en était pas revenue. Il lui interdisait presque de faire ce que bon lui semblait. Elle adorait jardiner, même si ce n’était pas grand-chose… Juste un moment dans la journée, tôt, après le petit déjeuner, avant de se préparer pour aller travailler.
Sa voisine, Lucile, faisait de même. Elles se retrouvaient souvent sur le pallier. Elles se verraient dans la soirée pour se donner des boutures, et prendre un verre pour simplement être ensemble. Si Lucile savait, pensait Lila, elle n’en reviendrait pas, mais elle se gardait bien de témoigner de ce qu’elle subissait à la maison. Son compagnon n’avait rien d’un poète. Il ne la ménageait jamais. Elle se demandait comment ils avaient pu se mettre en ménage, pensant parfois en riant à quelques chansons de Charles Aznavour que son ami détestait, et qu’elle adorait. Ils n’avaient que si peu de points communs.
Au début, pourtant, il y avait quelque chose, quelque chose de beau dans leur histoire, comme toutes les histoires, pensait-elle, sans doute, résignée. Elle était rouge, rouge de confusion. Elle ne pouvait en parler à personne.
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La gêne
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