C’était sur le même chemin, mais pas tout à fait.
Elle sentit bien à un moment qu’elle franchissait un monde. Elle avait trouvé un lieu, des espaces et des temps, sans même supposer que cela fut possible à ce point.
Elle allait, dans le songe et le vent, sur la route et vers elle-même. Elle ne le savait pas encore vraiment. Elle ne découvrait que peu à peu, le peu, le grand, le simple et pauvre confus de l’imaginaire. Il était capable de déborder et de faire le réel, le sien, son monde, son petit monde d’être humain, avec le poids de ses souvenirs et son ancrage dans l’existence.
Il y avait un mystère, un mystère premier qui ne savait pas grand chose de lui-même, car c’est ainsi que les choses deviennent, par le temps et la mâturation et, sans savoir comment précisément, elle pensait n’en livrer qu’une part essentielle, pour le préserver et le dire, le taire et le vivre selon son mode.
Il n’avait d’autre nom que lui-même.
Il supposait une liberté, La Liberté. Le seul ton qui vaille dans le respect de l’autre.
Agir, dire ou ne pas dire, aller ou ne pas aller, aimer ou ne pas aimer selon ce qui est.
Consentir ou refuser.
Dire par soi-même.
*
Un jour, notre petite personne - une autre imaginée - prit sa voiture pour se rendre chez elle. Elle venait de terminer sa journée de travail et savait que les choses allaient mieux se présenter. Au bureau, on lui avait dit qu’elle aurait certainement beaucoup de boulot le lendemain et que ce ne serait qu’un début. On attendait le feu vert du patron pour réaliser un projet qui allait mettre toute l’équipe à contribution. Elle appréciait assez ses collègues, exceptés les monstres, ceux qu’elle percevait comme de pauvres types, tant ils relevaient de la caricature dans leurs abjectes préjugés.
Les journées étaient longues, même si elle ne faisait pas des semaines de trente-cinq heures, mais elle se plaignait rarement. Elle savait gérer son temps.
Arrivée dans son quartier, elle remarqua que les réverbères étaient allumés. C’était comme si elle eut quitté sa maison en laissant la lumière. Il était quinze heures trente, ou à peu près. Elle se sentit concernée, mais ne se posa pas plus de questions.
Elle avança jusque chez Adèle. Son amie devait l’attendre un peu plus tard, mais elle préfèra passer la voir avant de rentrer. Adèle venait de quitter le bout du monde. Elle s’était absentée durant deux mois, deux mois entiers à panser des plaies. Toutes les deux voyageaient, mais chacune à sa manière. Adèle prenait le train et parcourait des milliers de kilomètres, en prenant aussi le bateau ou l’avion pour apporter son aide. Notre petite personne ne prenait que le vent, le vent et la pensée qui lui ouvrait la porte d’un mystère...