J’ai regardé au dehors quelques instants. Ludivine devait m’appeler dans la matinée. Je n’avais que cela à faire. Aucune envie ne me portait.
Ludivine avait sans doute quitté son bureau ; elle partait souvent vers onze heure. Je me souviens de ces fois où elle devait aller à pied à cause de la grève des chauffeurs de trams. Elle disait toujours à sa patronne qu’elle devait partir plus tôt pour ne manquer aucun cours. Ses cours commençaient toujours à treize heures. Il lui fallait un certain temps pour aller jusque chez elle. Elle devait impérativement passer par son appartement pour voir Fabien. Sans cela, elle ne le voyait quasiment jamais. Il rentrait tard le soir. Elle était souvent endormie, exténuée. Elle aimait vraiment ses études, mais elle se sentait décalée. Les autres ne travaillaient pas nécessairement. Beaucoup d’étudiants étaient aidés financièrement.
Par la fenêtre, j’ai vu des arbres, des arbres que je connaissais bien mais que je n’avais jamais vu de la sorte. Ils semblaient plus discrets et plus grands que dans mes yeux habituels. Au-delà des maisons, il y avait le silence, un silence qui portait un visage, un visage qui parlait le monde. Un monde aux nuances sincères, un monde plus bavard qu’il n’y paraissait. Plus près, dans le parc où j’allais retrouver Ludivine très vite, il y avait le jour. Quand je me suis retournée, je me suis dit que j’allais aller voir si j’avais reçu du courrier. Ce n’était peut-être pas grand chose, mais j’aimais cela. Descendre les marches pour aller voir si j’allais trouver un secret. Quand je me suis retournée, la vie a commençé. La vie allait être belle ; elle allait être magnifique. Le téléphone a sonné. Ludivine se moquait de moi, comme souvent. J’entends encore son rire. Elle ne m’a pas dit un mot. Je lui ai dit que j’allais partir, partir très loin, dans une nouvelle région. Aujourd’hui, je sais que j’étais bien ridicule. Ludivine me connait par cœur. Elle savait parfaitement que je voulais aller vivre en Bretagne. Je lui en avais si souvent parlé. Il avait juste fallu que je me décide et que j’aille.
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