Moi, mes yeux fatigués aux couleurs incertaines
Où se glissent encore des rêves d’absolu,
Avec de fines rides qui accrochent leurs peines
Là où des perles d’eau partent vers l’inconnu…
Un visage où les ans n’ont pas laissé leur trace,
La rondeur s’est posée, adoucissant les traits
Des cheveux blonds volant au vent qui les agace
Et la neige poudreuse qui vient s’y déposer…
Une bouche menue avec, aux commissures
Un pli dur que la vie a creusé sans compter
Mais un rire qui fuse quand le plaisir perdure
Et que l’espoir revient, balayant les regrets…
Un corps que les années ont su remodeler
Pour lui donner des formes à la douceur extrême,
Et ma peau que tes mains ont aimé caresser
Quand, avec des baisers, tu me disais, « je t’aime »…
Des seins lourds qui n’ont plus cet air d’impertinence
Quand ils pointaient au ciel l’orgueil de leurs vingt ans,
Mais, dans la volupté, toute la différence
Que des bouches d’enfants ont modulé vraiment…
Si je vois aujourd’hui cette image vieillie
Et que dans mon miroir je n’ai plus l’espérance
D’être à nouveau la fille que tu trouvais jolie,
Je revois ma jeunesse au travers d’une danse…
Des jambes que les bas fuselaient dans leur soie
Alors qu’elles s’exhibaient sur des talons de rêve,
S’agitant sur ces pistes où les hommes font loi
Pour affoler leurs sens dans la minute brève…
Et dans tout ce portrait, inutile et fugace
Se trouve un doux endroit que j’ai su préserver ;
Il contient en secret ta voix que rien n’efface
Et, avec son soupir, le bonheur d’être aimée…
Ce cœur je l’ai offert à celui qui ce soir
Va refermer ses bras sur cette longue histoire
Et je vais m’endormir sans avoir peur du noir
Car je sais qu’avec lui s’apaise ma mémoire…
Extrait de "Fugitivement" publié aux éditions Edilivre