Penché sur mon pupitre, l’échine courbée.
Une main bien à plat maintenant le cahier,
L’autre crispée sur le porte plume.
Alors que le délié se voudrait léger,
Le trait est plus lourd qu’une enclume.
Ça crisse, la plume plonge dans l’encrier,
Le bout des doigts, d’encre maculés.
On me traite de gaucher,
Et bien que je sois encore malhabile
Je n’ai rien à envier aux droitiers.
Ma main a fâcheuse tendance à faire buvard.
J’efface ce que j’écris avant que cela soit sec,
Mes cahiers sont de vrais torchons,
Mais, ce que j’écris je le fais avec mon cœur.
Quand je tends la main pour appeler ma maîtresse.
Je croise son regard plein de détresse.
Tous les ans il y en a un :
Un G A U C H E R !
Pas de chance, cette année c’est encore pour elle.
Pourtant je m’applique et je copie avec soin,
Mais tout de travers, tout à l’envers.
Et, si il n’y avait que cahiers qui soient "salopés"
Il y a aussi, je l’avoue mon tablier
Et mon pupitre de gouttes d’encre constellé.
Car est-ce de ma faute si l’encrier est du mauvais côté ?
Est-ce de ma faute, si mon voisin est droitier ?
Tant pis donc, écrire sera toujours une torture.
Alors je me plonge dans la lecture
Et quand mes copains de classe en sont à OUI OUI,
Je me passionne pour Michel Strogoff.
Quand ils ânonnent des mots vides de sens,
Moi, je suis vingt mille lieues sous les mers.
Je dévore tout ce qui passe à ma portée.
Mes rêves d’enfant sont peuplés d’histoires
Aujourd’hui j’écris toujours comme un cochon.
J’ai remplacé la plume par un clavier
Et à vous ici je me suis livré.