Camarades soldats de sa Majesté Britannique,
et vous aussi des si proches Amériques,
comprendrez-vous cette abrupte franchise,
qui sans détour va de mon pays à vos rives.
Camarades qui avez perdu des vôtres,
ceux-là même que nous aimons nôtres,
c’est pour le même pain et la même joie
que va ce cri de liberté.
Vos bateaux pleins d’espoirs et de fusils se sont détachés
des plages natales qu’en un murmure vous bénissez là-bas.
Camarades, oui camarades qui avez compris,
le temps des grandes armées est révolu, pas celui de la fraternité,
rangez vos uniformes bleus de colère, d’espérance ou de nuit.
Ce n’est pas vers vous que monte mon courroux,
vers vous les lucides et les fous tout comme nous,
il n’est pas ennemi l’ancien partisan sans balles,
essayant tous ses mots comme de la mitraille vengeresse,
et qui veut vanner,
dans le van du soleil, le beau du laid,
dans le van de la terre et des labeurs, le bon du mauvais.
Ô camarades si loin de moi,
que je devine si fragiles,
équilibrant vos humbles qualités,
vos merveilleux défauts,
comme les lignes au creux de la main ; si tendre, si chaud,
combien j’ai peur que vous cédiez à l’ordre,
devant nos frères réclamant justice, non plus miséricorde,
et faisant de vous des assassins au nom de je ne sais quelle étrange loi !
Camarades, camarades !
Et je voudrais que ce cri s’en aille de rade en plaine,
de montagne en ville, par landes ou savane,
comme un cri fraternel, un bel oriflamme,
vous prendre les épaules,
vous citer le nom d’une femme, toute simple, toute aimante, toute sourire,
comme celle là que vous apercevez au bout du cran de mire...
Et voilà,
bientôt l’hirondelle du printemps viendra,
mon espoir je l’ai jeté comme une graine,
Camarades vêtus de kaki, frères de ceux là,
dont les uniformes maintenant pourrissent,
uniformes de bagnards, de soldats ou de terroristes,
mon espoir je l’ai jeté comme une graine,
et leurs yeux, leurs grands yeux remplis de terre, bientôt refleuriront,
bouchant même la bouche des canons,
braqués sur quelques hautes et fières bannières...
Ils fleuriront ces yeux inattendus,
dans les rêves des petits garçons et des petites filles,
un beau jeudi soir de guignol,
un soir d’enfantine liberté, de merveilleux vagabondages,
loin, bien loin du bruit des canons...
20 mars 2003