A la maison des morts ce sont les souvenirs
Qui dorment sur le seuil et sous les vieilles tuiles.
Il y a des bonheurs, il y a des soupirs,
Des parfums désuets et des chansons fragiles.
A la maison des morts où repose mon âme,
Quand je mets au carreau cette tête vieillie,
Je vois devant mes yeux, comme une vieille trame,
Tous ceux qui furent là, et ne sont point partis...
Dans un coin, près de moi, j’entends le moulin moudre,
Dans sa boite de bois, le café maternel,
Et dans un autre coin, c’est la machine à coudre
Qui berce en trépidant mon chagrin éternel.
Dans le jardin, dehors, les vieux murets de pierre
Me content le labeur de celui qui les fit
Tous les jours, sans arrêt, posant pierre sur pierre
En pleurant son enfant sans trêve et sans répit.
Il y a le papé transportant ses corbeilles
De fumier de mouton sur les vieux escaliers,
Remontant ses fagots en passant sous la treille
Pour aller les ranger jusque sous le clapier.
Il y a la mamé, la plus vieille douairière
Qui vécut en ces lieux quand j’étais tout petit,
Qui m’apprit le tarot, les antiques manières,
Les anciennes chansons dans les vieux manuscrits.
Sous le cèdre, dehors, dans la calme clairière,
Ils sont venus coucher leur repos éternel,
Sous la callune en fleur, parmi les vieilles pierres,
Dormir dans ce pays dont ils savent le ciel.
Et moi je reste là, je les vois dans les serres,
Je les entends passer dans le vent au dehors,
Quand je lève les yeux, je vois dans la lumière
Leurs visages penchés, attentifs à mon sort.
Et je sais qu’ils sont là, accompagnant la route
Qui me mène vers eux, qui mène au même port,
Et je sais à coup sûr et sans l’ombre d’un doute
Qu’ils sont à mes côtés... dans la maison des morts...