La notion, le concept, "d’artiste" est difficile à définir, je ne crois pas en être un au sens commun du mot, ou au sens mercantile, pour peu qu’il faille être "vendable" pour être reconnu "artiste".
Je ne serai jamais ni ‘connu’ ni ’reconnu’. Et puis ? Je ne cherche aucunement la ’reconnaissance’, je n’écris pas pour cela.
Nous sommes des "artistes" au travers de cette volonté indicible que nous avons de ne plus nous perdre dans la ’science’, dans l’approche raisonnée du monde, elle est indispensable, sans doute, mais je crois qu’elle nous éloigne dans le même temps de l’émotion, de la nature, ...de nous-mêmes...
L’écriture nous y ramène.
X
Quand l’âge qui pour nous, pauvres humains blasés,
Aura trop tôt mon frère, sonné l’âcre vieillesse,
Quand tu devras quitter les amis en liesse,
Quand tu ne seras plus qu’un vieil homme fatigué,
Mon frère, ne range jamais ta plume et ton encrier !
Non content de ne pas oublier ta jeunesse,
Essaies encore un peu d’en retrouver l’ardeur.
Non content de savoir que fut jeune ton cœur,
Laisse-le battre encore au rythme de l’ivresse,
Mon frère, ne range jamais ta plume et ton encrier !
Les premiers mots que tu écrivais encore enfant,
Ceux que tu composas dans tes années prolifiques,
Relis-les sans penser que ce sont des reliques,
Ecris de nouvelles paroles, pour de nouveaux chants,
Pour avoir à nouveau vingt an.
Mon frère, ne range jamais ta plume et ton encrier !
Crois-tu que dans le monde virtuel seul réside cette humeur,
Qui tant de fois déjà fit naître tes fredaines ?
C’est faux !... Ce ton n’est pas dehors, mais tu l’a en toi-même,
Cette sublime capacité d’émerveillement, tu l’as au fond du cœur...
Mon frère, ne range jamais ta plume et ton encrier !
Etonne tes enfants, affole les passantes,
Assourdis ton épouse avec tes odes terribles,
Effraie aussi tes amis autant qu’il est possible,
Et l’invité gommeux, remplis-le d’épouvante.
Mon frère, ne range jamais ta plume et ton encrier !
Et si celle qui t’aima, un jour t’a détesté,
En la quittant ce soir, oublies-tu l’infidèle ?
Et si tu dois quitter cette terre éternelle,
Est-ce une bonne raison pour ne plus chanter ?
Mon frère ne range pas ta vie dans un plumier fermé,
Ne laisse pas l’encre sécher,
Ecris pour ne jamais oublier.