Ton dos si fatigué se casse sur la table
Et j’ai mal à ta vie.
J’ai mal à ton regard que je sens misérable
Evoquant le passé aux heures desservies
Bientôt, demain sans doute,
Si proche que j’écoute.
Cette souffrance muette..
J’aimerais tant savoir
Ce que fut ton enfance aux miettes parsemées.
La cuisine et si sombre, on ne voit plus le soir
Et l’horloge se tait. Nous sommes nous aimées ?
La peau de ton visage est à peine ridée
Et tes cheveux encore d’une nuit Cheyenne
A peine rehaussée de quelques fils d’araigne
Autour de tes yeux noirs comme les miens bridés.
Tes mains ne savent plus la finesse du lin
Et les couleurs du fil de l’oiseau paradis,
Tes doigts sont silencieux, leurs gestes engourdis
Ne savent même plus rompre un morceau de pain.
Parfois tu me confie un secret comme si
Demain allait te prendre,
Comme si le passé ne pouvait plus attendre
Et ton fardeau si lourd que le poser ainsi
Au bord de mon oreille en allégeait le froid.
Alors, je le reçois.
Sur un gros cahier bleu je note tous tes maux
Pendant que tu me parles, il fait soudain plus chaud.
Tu vis dans le silence...
Et j’entends ta surprise d’entendre ta voix.
J’ai mal à ta vieillesse et mal à nos enfances
Brisées sans que je sache pour qui ni pourquoi.
J’ai mal à ce qu’ignore et ne saurai jamais.
Ma mère, malgré tout, t’ai-je dit que t’aimais ?