Un matin, dans ma Remington, volant entre les mains. Sympathique machine qui ronronne tranquille au fil du couloir tubique de la route Western466. Les vibrations m’hérissent le poil. Le bitume-tarmac n’est plus qu’une flaque, qui s’évapore au fil des mirages. Nuages à l’appui, les yeux bien sur terre, mes doigts se jouent du volant standard cuir, une vraie peau de vache. Et le soleil n’a rien d’autre à foutre qu’éblouir mes poches alcoolisées.
Un matin, au Sunset Palace, je suis sorti claquer tout mon fric, ma maille, mes fonds de poche qui font cling cling. Je me repasse en slow motion, back motion, l’émotion de l’hier. Un bar. Une silhouette plutôt chouette. Un verre. Un autre. Des vers qui coulent à flot. Sans écrire mais en les criant. J’aboyais, je me souviens. J’aboyais et la silhouette plutôt chouette est venue. Au Sunset Palace, hôtel de luxe, plein d’étoile à la porte d’entrée. Je lui ai dit : « Baby, je t’emmène dans les étoiles, maintenant. »
Un matin, au volant de ma Remington, quatre roues cinq portes, sièges peau de vache, toucher velours, les mirages me montrent des flaques de pétrole sur la route Western466. Des tâches uniformes. Un véritable gaspillage d’illusion. « Baby, ouvre la boîte à gant, et donne moi la petite boite jaune. » Une petit boite jaune avec du bruit dedans. Déclic de la petite boite entre ses doigts faux ongles, et des petits cachetons font éruption. De petites boules qui roulent sous le siège peau de vache. « Baby, fais gaffe ! ».
Un matin, dans la Remington deux têtes à l’avant, sur hauts sièges noirs, les esprits se diffusent et s’achèvent le long de la Western466. Arrêt sur image au bord du bitume, le temps de goûter les petites perles de neige. Sous ses cheveux blonds, elle cache un singulier sourire de pétasse plutôt chouette. « Vas-y Baby, embarque-moi ça au fond de toi et tais-toi. » Petits gobes. Gloupi gloupa et puis plus rien. Western466 devient serpent se faufilant entre les jambes chouettes. Glapissante appétissante que cette silhouette plutôt chouette.
Un matin, dans ma Remington, entre mes mains volantes, l’émotion d’hier me capture et me noie dans les méandres infernaux de la Western466. Sous sa chevelure, une couche de superficiel, elle bouge son bang-bang, ses qualités morbides. « Baby, tu me saoules. » Alors je l’ai écartée, et rangée au bord de la Western466, sous une pluie de poussière. Je l’ai rangée et ma Remington repartie avec une seule tête.
Un matin, je déballais mon cœur à 100 à l’heure, sur ce serpent indompté. Le champignon écrasé sous le pied, sous le poids, sous le point d’éclater. A 100 à l’heure pendant des heures, et des heures. Écrasant le temps sous mon talon, je fonçais jusqu’à ne plus voir quoi que ce soit. La vitesse dans le fond des yeux. La vitesse à en devenir ivre. Puissant. Maître du monde. Dans ce cercle tubique de la route Western466, je délire et ma tête s’éclate. « Baby, c’est ça ! C’est bon bordel ! » Jusqu’au soir, prochain arrêt, prochain hasard, prochain hôtel, prochaine silhouette plutôt chouette pour équilibrer l’indomptable, et ce serpent maudit qui ne fait que bouger la nuit.