Vous entrez chez moi sans crier gare
Et même si vous ne criez pas
J’entends un bruit de train.
Je vous ai connu tout petit,
toujours courant, à bout touchant,
Parfois couché sur le coin de ma table,
pensif, comme un rêve qui miaule
sur un papier blanc.
Un sacré « Domino », ce chat noir et blanc.
Vous êtes dérangeants, vous m’assaillez
de pourquoi, de comment.
Le store en paille de riz
se gonfle de vent
et le lustre frangé de perles,
qui se balance doucement,
étincelle ses couleurs
comme une pluie de verre.
Et lui, sur mes genoux,
suit du regard ombres et lumières
tout en filant le destin
de son rouet grave.
Quel sacré « Boudin » le chat noir.
Quel sentiment
grave la trace du traîneau
sur l’étendue glacée,
à l’orée de la forêt des grizzlis
et des caribous.
Quelle image terrible et belle à la fois
Sous l’échelle renversée,
celle du beau corps allongé
du noir et blanc Domino,
fourrure rehaussée
sur le carrelage blanc,
du rouge brillant
d’une flaque de sang.
L’indien Mukoki paisiblement
traverse le lac à peine dégelé
à bord de son canoë.
A travers les canyons, à la force de sa pagaïe,
il remonte les rapides avec les saumons
jusqu’au bout de la rivière des castors
avec son compagnon le chasseur blanc.
Il est tombé du troisième étage
dans la charbonnière au fond de la cour
le chat noir, dans le charbon noir.
Lundi matin, quand le magasin a ouvert,
il était là mon « Boudin », dans la cour,
Vivant, tout à fait vivant mon chat noir.
La joie ! Et pour combien de temps ?
Comme un rêve qui maraude
les loups hurlent à la mort
et les pépites d’or
roulent dans les têtes
et les gravières des torrents.
On m’a caché sa mort
Où ? Quand et comment ?
Jamais je n’ai pu faire le deuil
de mon chat noir.
Dans quelle bourrasque neigeuse,
l’enfance disparaît,
un fantôme de chat sur les genoux,
comme fondue dans la brume froide
se retire et vous laisse là, autrement !
Vous entrez chez moi, sans crier gare,
au loin, du train j’entends
le sifflement !
23 février 2007